Et pourtant, le monde croît !

Quand il s’agit d’esquisser les perspectives pour 2013, il serait facile de tomber dans le pessimisme. Les nouvelles, particulièrement en Europe, sont moroses. L’ambiance est lourde. Toute conversation commence par une énumération de risques. Il est vrai qu’un certain nombre de défis se posent pour l’Europe, et plus largement pour l’économie mondiale. En premier lieu, aux Etats-Unis, le fameux « mur budgétaire », une combinaison de coupes programmées des dépenses publiques et de hausses d’impôts qui, si laissée en l’état, pourrait faire rentrer l’Amérique en récession, ce qui entraînerait une récession mondiale. D’autres cassandres pourront citer le risque d’un « atterrissage brutal » en Chine, une implosion de la zone euro, une intensification de la crise au Moyen Orient. Sans oublier les finances publiques japonaises, une bombe à retardement à l’impact incertain. Il faut éviter la complaisance et il convient de garder ces risques à l’esprit, cependant ils ne sont pas inclus dans notre scénario central.Notre scénario est tout d’abord bâti sur la poursuite de la tendance de fond de l’économie mondiale : la formidable expansion de la classe moyenne des pays émergents. C’est la locomotive planétaire. Celle-ci a doublé le moteur « historique » : la consommation américaine. Le moteur « émergent » devrait continuer à tourner à vive allure l’an prochain : l’urbanisation se poursuit, le commerce Sud-Sud prend de l’ampleur, les infrastructures s’étoffent. Le capital humain et financier s’accroit, et circule davantage. Plus largement, nous assistons au basculement continu des grandes forces économiques de l’Occident vers le monde émergent, particulièrement asiatique.En 2013, l’Asie va demeurer une zone en pleine effervescence, résistante aux soubresauts de l’Occident. Nous sommes particulièrement optimistes pour l’Asie du Sud-Est du fait de la croissance de sa population, de sa demande intérieure, et le boom du commerce régional, conséquence de la multiplication accords de libre-échange. Nos favoris sont l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines, où le rythme de croissance devrait s’envoler au-delà de la moyenne historique. Le vrai risque pour l’Asie est la menace de bulles financières et immobilières.Nous voyons la croissance chinoise légèrement en deçà de 8% l’an prochain. A ce rythme, elle continuera à sur-performer la zone asiatique hors Japon, pour laquelle nous prévoyons 6,5%. Le redécollage chinois a déjà commencé: l’immobilier se reprend, les entreprises reconstituent leurs stocks et les profits sont en hausse, ce qui permet de poursuivre les investissements. Le nouveau gouvernement va devoir s’atteler aux réformes structurelles, qui seront nécessaires pour la poursuite d’une croissance comprise entre 7% et 8% pour les cinq prochaines années (ce à quoi nous croyons).La croissance indienne dépend fortement de la volonté politique de s’attaquer aux blocages institutionnels et économiques. Les déséquilibres budgétaires et commerciaux restent importants, mais nous croyons à une résorption graduelle l’an prochain. 6% de croissance est à portée de main.Un certain nombre de pays d’Afrique et d’Amérique latine continueront leur rattrapage économique. En Afrique, il ne sera pas rare de voir des croissances de 7% et plus, ce qui signifie un doublement du PIB en 10 ans. Néanmoins, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne : il faut regarder au-delà des deux mastodontes, l’Afrique du Sud et le Nigéria, actuellement en perte (temporaire) de vitesse. Le Mozambique, la Zambie et la Tanzanie, considérés comme marchés frontières, continueront leur boom économique. Plus largement, le lien Chine-Afrique va rester une dynamique clef de la croissance du continent, que ce soit en termes de commerce, d’investissements mais aussi et surtout de financement. L’an prochain ne sera pas seulement une histoire d’émergents. Les Etats Unis pourraient une fois de plus montrer leur faculté à rebondir et surprendre. Une fois l’accord politique sur le « fiscal cliff » trouvé, et la confiance retrouvée, le monde des affaires va se remettre à investir, et accélérer les embauches. La reconstruction après l’ouragan Sandy dopera l’activité. La reprise de l’immobilier devrait continuer. A moyen terme, la croissance américaine sera aidée par les récents développements énergétiques, et la ré-industrialisation. La dette publique restera néanmoins un problème de fond.Quid de la « vieille » Europe ? Le tempo électoral allemand conduit à une hibernation sur le front de la crise. La Grèce va rester sur la corde raide. La bonne nouvelle, c’est que les scénarios extrêmes sont atténués ; la mauvaise, c’est que le retour de la confiance en périphérie, clef pour encourager un retour durable des investisseurs et un rebond de la consommation, n’arrivera pas de sitôt. Un climat des affaires toujours fragile et la poursuite des politiques d’austérité signifient une récession continue. Quant à la France, 2013 sera l’année de la sortie de route : L’économie va probablement s’enfoncer dans la récession, compromettant la cible de 3% de déficit. La bonne nouvelle est que les coûts d’emprunt français vont rester faibles. L’Allemagne devrait à court terme subir les problèmes de la zone euro, qui représente 38% de son commerce extérieur. A moyen terme, elle reste très bien positionnée, en particulier son secteur automobile et ses machines-outils, pour bénéficier de la croissance des émergents. L’Asie hors Japon attire déjà 15% de ses exportations. Le cours de l’euro et la politique monétaire de la Banque centrale européenne, très favorable pour l’Allemagne actuellement, seront autant d’atouts supplémentaires. En définitive, il ne faut pas tomber dans la complaisance pour l’année prochaine car des risques existent, mais il ne faut pas non plus perdre de vue le potentiel de l’économie mondiale et ses forces sous-jacentes. Le PIB mondial était de 32 trillions de dollars en 2000, il est à 72 trillions fin 2012. Le monde est divisé, cerné de risques, mais il continue de croître.Thomas Costerg, Economiste et Sarah Hewin,Chef Economiste Europe,Standard Chartered BankRéférence: Global Focus 2013, the Year Ahead, Standard Chartered Research
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