Le secteur de la viande français attaque l'Allemagne pour « dumping social »

Chaque année, une armée de porcelets nés au Danemark et aux Pays-Bas passe la frontière pour rejoindre les usines d'engraissement et les abattoirs allemands. Ce flux de viande sur pattes n'existait tout simplement pas il y a cinq ans. Il était en 2010 de 7 millions, soit l'équivalent du cheptel français. Comment l'Allemagne a-t-elle développé un avantage compétitif tel qu'elle draine une part croissante de la production européenne ? En trichant, assurent les industriels français et belges qui ont saisi mercredi la Commission européenne de ce qu'ils estiment être un cas patent de « dumping social ».Au coeur du dossier se trouve le recours massif à une main d'oeuvre bulgare, polonaise et tchèque via des intermédiaires à des conditions salariales défiant toute concurrence. Les plaignants français estiment que ce montage permet à leurs concurrents allemands de diviser par trois leurs coûts pour « 40 à 80 % » de la main d'oeuvre. « Tous les éléments indiquent que les salariés non Allemands ne sont pas des travailleurs détachés », comme le prétendent leurs employeurs, « mais des intérimaires » envoyés par des entreprises de prêts de main d'oeuvre, explique Jean-Paul Mingasson, un ancien directeur général à la Commission qui est un de leurs conseils au cabinet d'avocats Fidal. Or en tant qu'intérimaires, ils devraient être payés comme des salariés allemands et non aux conditions de leur pays d'origine. Absence de soutien« Nous ne sommes pas contre la concurrence, mais à ce niveau là de distorsion, on ne pourra pas se battre longtemps », explique Pierre Halliez, directeur général du SNIV, le syndicat des entreprises françaises de viande et président du Collectif contre le dumping social en Europe. L'absence de soutien du ministère français de l'agriculture l'a convaincu de « monter la pression d'un cran en passant au niveau européen », dit-il. « Nous avons identifié des problèmes, des coûts de revient très épars selon les pays, mais nous ne comprenons pas à ce stade d'où viennent ces disparités », explique un porte parole de l'Union européenne du commerce du bétail et de la viande (UECBV). « Qui a raison, qui a tort? Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse », ajoute-t-il, précisant qu'un groupe de travail devait se réunir pour la première fois en février. Selon le Collectif, l'UECBV est victime de capture par les intérêts allemands qui pèsent lourd dans la filière.Le formidable avantage compétitif allemand commence à être sensible dans d'autres secteurs comme la viande bovine et les fruits et légumes, qui se sont joints à la plainte.La Commission, qui n'avait pas encore formellement enregistré la plainte jeudi, dispose d'une année pour juger de sa recevabilité. « Nous l'examinerons le moment venu », a déclaré jeudi un porte parole. Florence Autret, À Bruxelle
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