La croissance mondiale à l'épreuve des révolutions arabes

Le vent de liberté et de démocratie qui souffle depuis deux mois de l'Afrique du Nord au Moyen-Orient est bien parti pour conduire à des changements de régime, après la chute des présidents Ben Ali en Tunisie et d'Hosni Moubarak en Égypte. Dimanche, le Conseil suprême des forces armées, qui tient le pouvoir en Égypte, a annoncé la suspension de la Constitution, la dissolution du Parlement, et esquissé le calendrier de la transition politique au cours des six prochains mois jusqu'aux prochaines élections. Autant de jalons rassurants qui, intervenant après les déclarations du président américain Barack Obama, saluant « le courage du peuple tunisien » et soutenant les revendications de celui d'Égypte, poussent le monde arabe à l'optimisme.Pourtant, si les bains de sang ont été jusqu'ici évités, quelle tournure prendront les événements dans des pays comme l'Arabie Saoudite et l'Algérie, deux producteurs majeurs d'hydrocarbures, qui jusqu'ici bénéficient du soutien indéfectible de Washington. Sans compter l'Iran, qui entend tirer son épingle de la redistribution des cartes en cours, mais doit aussi composer avec une forte contestation populaire en interne. « L'Arabie Saoudite est aussi instable que l'Égypte », soulignait la semaine dernière Nassim Taleb, ex-trader d'origine libanaise, auteur du best-seller « le Cygne noir ». Bref, une période d'incertitudes s'ouvre pour la « poudrière du Moyen-Orient » dans laquelle le pire n'est pas à écarter.Parmi les scénarios noirs, il y a celui des hydrocarbures. Le sous-sol de l'ensemble de la région - Moyen-Orient et Afrique du Nord - recèle plus de 60 % des réserves prouvées de pétrole mondiales - à un coût d'extraction le plus faible de la planète -, et 45 % de celles de gaz naturel. En 2009, les extractions de l'ensemble du monde arabe ont représenté plus de 35 % de la production mondiale pétrolière et près de 19 % de celle du gaz naturel.La région est aussi l'une des zones de transit pétrolier les plus importantes du monde, en particulier à travers le canal de Suez qu'empruntent chaque jour quelque 3 millions de barils, et d'un réseau important de pipelines. Selon le cabinet d'études Hidden Levers, le prix du fret des tankers pourrait bondir de plus de 50 %, en cas de révolution dans l'ensemble de la région. Quant au prix du baril, il s'apprécierait de près de 15 %. Ces derniers jours, il a dépassé les 100 dollars à Londres, et les 85 dollars à New York.Cette perspective d'un nouveau choc pétrolier aurait toutefois des conséquences différentes de celui de 1973, qui avait vu le cours de l'or noir tripler, de 3 dollars à 10 dollars ! En effet, l'Asie, qui devrait croître cette année de 8,4 % selon les projections du FMI (contre 4,4 % pour l'ensemble du monde), est la plus exposée à la géopolitique pétrolière. La Chine dépend à plus de 45 % de la zone arabe (et à 30 % du Soudan et de l'Angola), le Japon à 85 % et l'Inde à 73 %. En comparaison, la région fournit 20 % des besoins des États-Unis et 28 % de ceux de l'Europe. Une pénurie de pétrole pour la machine économique chinoise doublée d'une envolée des prix sur fond de coût de la vie déjà orienté à la hausse deviendraient un cocktail dangereux pour les autorités en Chine, où le mécontentement populaire grandit,Du côté des analystes pétroliers, on se veut rassurant. « La probabilité d'un bouleversement politique dans la péninsule arabe est très faible. En revanche, la probabilité que les traders craignent un bouleversement dans la péninsule arabe est très élevée », ironise Michael Lynch, analyste pétrolier. C'était exactement le type de commentaire que tenaient les experts sur les régimes de Tunisie et de l'Égypte. avant d'être lourdement démentis.
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