« Le Pacte de compétitivité n'est pas un diktat ! »

STRONG>Le déficit public français, en pourcentage du PIB, est actuellement près du double de celui de l'Allemagne. Côté commerce extérieur, l'an dernier, l'Allemagne a dégagé un excédent de 154 milliards d'euros, alors que la France a accusé un déficit commercial de 51 milliards. De telles différences au sein de la zone euro sont-elles soutenables ?La France s'est aussi engagée à ramener son déficit en dessous des 3 % du PIB d'ici à 2013. Chaque pays doit fournir son effort. En tant que ministre allemand des Finances, j'ai, moi aussi, encore beaucoup de travail à accomplir. Dans son ensemble, la zone euro a une balance commerciale presque équilibrée. Les importations allemandes en provenance d'autres pays de l'Union européenne (UE) ont d'ailleurs plus augmenté en 2010 que les exportations allemandes vers ces mêmes pays. Notre dynamique de croissance doit, entre-temps, plus aux forces de la demande intérieure allemande qu'aux exportations. La conjoncture économique relativement favorable en Allemagne profite donc aux autres membres de l'UE et ne leur cause pas du tort. Nous avons été l'an dernier un peu la locomotive de la croissance en Europe. Aussi, je n'ai pas à m'excuser auprès de nos partenaires européens de ce rôle de l'Allemagne.Les PME-PMI françaises peuvent-elles réussir à l'export comme leurs homologues allemandes ?Mais pourquoi ne serait-ce pas possible ? C'est tout le sens justement de nos propositions pour réduire les différences de compétitivité en privilégiant les meilleures pratiques et apprendre les uns des autres. L'Allemagne est actuellement dans une bonne phase économique mais, au début des années 2000, elle avait encore beaucoup de problèmes. Nous les avons résolus. Aujourd'hui, d'autres pays ont plus de difficultés, mais ils vont aussi les surmonter.À travers « le Pacte de compétitivité » proposé avec la France, l'Allemagne n'essaie-t-elle pas d'augmenter son influence ?Non ! Mais une des leçons de la crise est que nous devons nous attaquer aux problèmes de la disparité des compétitivités. Nous avons mis au point des propositions qui ont peut-être été mal comprises par les opinions publiques. Le Pacte de compétitivité, ce sont des propositions, pas un diktat ! Chacun propose et, ensuite, on se réunit et travaille à des positions communes.Ce pacte est-il la contrepartie que vous exigez pour accepter une augmentation du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ?Il s'agit de tirer les bonnes leçons de la crise en introduisant un ensemble de mesures comprenant le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, l'amélioration de la compétitivité dans tous les pays membres et enfin la création d'un mécanisme permanent pour préserver la stabilité financière de la zone euro à partir de la mi-2013 [Mécanisme européen de stabilité, MES]. Le Conseil européen et l'Eurogroupe l'ont ainsi décidé. Il ne faut pas prendre un aspect isolé de ce « paquet ». En agissant dans ces trois domaines, nous convaincrons les marchés financiers que l'euro reste stable. Il n'est pas, selon nous, nécessaire à ce jour d'augmenter la dotation du FESF. Mais nous devrons discuter d'ici à fin mars de ce futur MES et nous mettre d'accord sur ses compétences. Ce débat sur une éventuelle hausse de la dotation du FESF envoie d'ailleurs des signaux tout à fait erronés aux marchés financiers : en parlant de la nécessité à court terme de son renforcement, on attise seulement la spéculation sur la situation des pays membres. Les marchés se montrent en revanche assez stables depuis le début de cette année.Est-il pertinent d'introduire, comme en Allemagne, un « frein à la dette » dans la Constitution des autres pays de la zone euro ?J'ai lu à ce sujet les formulations les plus insensées - qu'il s'agit d'une « germanisation forcée » ! Ce n'est absolument pas le cas. Ni le gouvernement fédéral ni les Allemands n'entendent imposer leur modèle à d'autres. Nous disons seulement que nous avons eu de bons résultats avec notre plafond à la dette. Si d'autres veulent faire de même, ce serait bien. De nombreux problèmes récents, notamment en Grèce, auraient peut-être pu être évités grâce à cet instrument. Nous devons apprendre les uns des autres. Nous avons beaucoup débattu sur la bonne manière de réduire les déficits publics sans pénaliser la croissance. On voit que cela est possible en Allemagne.La banque centrale américaine, la Fed, est-elle un facteur de déstabilisation en exportant de l'inflation dans le monde entier par son rachat massif des titres d'État ?Je suis favorable à ce que nous tous respections nos engagements du sommet du G20 de Toronto de juin dernier, à savoir de réduire de moitié nos déficits publics d'ici à 2013. Ce serait déjà un grand pas. Et un bon début si, au sein du G20, chacun s'attelle à ses propres problèmes. Les États-Unis et leur économie sont la puissance leader et le monde a donc un clair intérêt à une Amérique forte politiquement et économiquement. Les Américains ont une tout autre dynamique, en termes de démographie aussi, et peuvent donc plus aisément réduire leurs déficits par la seule croissance, contrairement à nous en Allemagne et en Europe. J'espère que, lors des discussions du G20, nous pourrons aussi nous entendre sur la politique monétaire ou bien avancer sur les questions de l'OMC. Dans le cadre du G20 nous avons, en tant qu'Européens, une grosse responsabilité vis-à-vis des pays émergents et des pays en développement. Nous ne devons pas penser qu'à nous-mêmes.Une prochaine réforme du système monétaire international, comme souhaitée par Paris, est-elle réaliste ? Les États-Unis n'ont pas intérêt à réduire la prédominance du dollar...Les propositions de la présidence française pour le G20 sont très bonnes et tout à fait réalistes. Il n'y aura pas de révolution mais une évolution graduelle, notamment sur comment mieux surveiller la spéculation et y réagir plus rapidement. Ainsi, nous prenons la mesure pas à pas des changements dans l'économie mondiale. Cela ne se fait pas contre les États-Unis mais avec eux, ensemble. L'Allemagne mise beaucoup sur la présidence française du G20 et nous la soutiendrons en cela de façon décisive.Vous êtes considéré comme « le dernier grand Européen » encore aux affaires. Ne vous sentez-vous pas trop seul ?Non. Je suis seulement relativement plus âgé que la plupart de mes homologues. Et parmi eux, beaucoup sont, comme Christine Lagarde, des Européens tout autant engagés et compétents que la génération précédente. La jeune génération est moins marquée « nationalement » que ses parents et grands-parents ne l'étaient. Cela vaut non seulement pour l'Allemagne mais aussi pour la plupart des pays européens. Retrouvez l'intégralité de l'entretien avec Wolfgang Schäuble sur LaTribune.frWolfgang Schäuble, ministre allemand des Finance
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