Le "fichier positif" n'est pas encore créé que son crédit est déjà entamé

Annoncé en décembre par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le fichier positif, initialement appelé \"registre national des crédits\", sera inclus dans le projet de loi sur la consommation que prépare le ministère de Benoît Hamon pour une présentation en avril.Son objectif est de recenser tous les Français disposant d\'un crédit, afin de pouvoir en informer les banques et autres prêteurs potentiels. Jusque là, aucun organisme de crédit ne pouvait vérifier que son client lui disait la vérité lorsqu\'il prétendait n\'avoir aucun prêt en cours. Il s\'agit \"d\'éviter le crédit de trop\", qui fait plonger un ménage dans le surendettement, argumente Jean-Louis Kiehl, président de la fédération Cresus, qui accompagne les familles surendettées. Les taux pourraient même baisser selon lui, puisque les banques seraient conscientes du risque moindre de prêter à certains clients.S\'il est voté cet été, le fichier devrait être effectif à la fin 2014, estimait Benoît Hamon à la fin janvier. Mais il est loin de faire l\'unanimité.Les banques partagéesLa Fédération bancaire française (FBF) montre son opposition depuis longtemps. \"Le fichier positif est une réponse inefficace pour prévenir les accidents de la vie qui génèrent une baisse de ressources chez les ménages, écrit-elle dans un communiqué, celui-ci ne prendrait pas en compte l\'ensemble des dettes (fiscales, loyers, etc.), indicateurs réels de fragilité des ménages, ni même les ressources des clients\". Elle s\'inquiète également de ses coûts de mise en place et de fonctionnement. Selon Benoît Hamon, la création du fichier positif coûtera 15 millions d\'euros. Les coûts de fonctionnement pourraient s\'élever à entre 30 et 35 millions d\'euros au cours des premières années.Mais toutes les banques ne sont pas de son avis. \"Nous sommes très pragmatiques : une part importante des clients surendettés sont multi-détenteurs de crédits\", déclarait la semaine dernière Philippe Wahl, le président du directoire de la Banque Postale.La CNIL réservéeLe gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, est pour sa part réservé. \"Si finalement, on nous demande de le gérer, c\'est une responsabilité très importante\", qui ne sera pas assumée \"de gaîté de coeur\", a-t-il reconnu en décembre sur BFM-Business, car \"c\'est quand même, du point de vue des libertés publiques, quelque chose d\'extrêmement délicat\".En 2011, alors que ce fichier était à l\'ordre de la loi Lagarde sur la consommation, l\'autorité de contrôle française en matière de protection des données personnelles, la CNIL, avait émis des réserves. \"25 millions de personnes, qui ont des crédits, seraient concernées par ce fichier, pour 200.000 dossiers de surendettements (que compte la France, chaque année, ndlr)\", note de son côté Maxime Chipoy, directeur des études à l\'UFC-Que Choisir, en charge de la mission banque et assurance, \"en terme de moyens, c\'est une grosse disproportion\". \"En Allemagne, ils avaient constaté que 45% des informations de leur fichier positif étaient erronées\", ajoute-t-il.L\'UFC \"complètement opposé\"L\'UFC-Que choisir est par ailleurs \"complètement opposé\" à la création d\'un fichier positif. \"Il ne donne pas forcément de résultats\", répond Maxime Chipoy. La Belgique, longtemps citée en exemple parce qu\'elle a mis en place ce fichier en 2003, a vu le nombre de surendettés augmenter de 48% entre 2006 et 2011, contre 28% en France, relate-t-il.\"Les découverts d\'une durée supérieure à un mois ne sont pas inclus dans le fichier positif, déplore Maxime Chipoy, alors que cela signifie qu\'il y a un début de problème, puisque les revenus ne permettent pas de revenir au dessus du découvert\". L\'association regrette également que le fichier positif ne soit mis à jour que tous les mois, ce qui l\'empècherait de prendre en compte les dernières opérations de crédit renouvelable du client.Augmentation des créditsL\'autre crainte de l\'UFC-Que Choisir, c\'est que le fichier positif contribue à augmenter les crédits à la consommation. \"Aujourd\'hui, les prêteurs sont dans le doute, ils sont prudents. Avec le fichier positif, il savent qu\'ils ont toute l\'information, alors ils donnent plus de crédit\".Une crainte que les pro-fichiers voient comme un point positif. \"Cela élargit l\'accès au crédit à des personnes qui en sont exclues aujourd\'hui\", commente Jean-Louis Kiehl. Il permettrait à de nouveaux acteurs de venir sur le marché, et de stimuler la concurrence, se réjouit Benoît Hamon.\"Cela n\'empèchera pas le surendettement, cela réduira son ampleur, mais cela apportera plus de responsabilité aux consommateurs et aux prêteurs\", énonce Jean-Louis Kiehl.
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