L'échec prévisible d'un paquet fiscal mal ficelé

Après l'annonce, mardi soir, de la suppression du bouclier fiscal et d'une hausse des droits de succession, que reste-t-il de la loi Tepa (Travail, emploi, pouvoir d'achat), le fameux paquet fiscal de Nicolas Sarkozy, voté dès l'été 2007 ? La question a été déjà posée, elle le sera de moins en moins, à mesure que la réponse s'impose, évidente : rien. Ou presque. C'est comme si le gouvernement s'attachait à défaire, patiemment et méthodiquement, ce qu'il a fait approuver dans l'urgence par le Parlement. Un ensemble de mesures jugées essentielles par le candidat Sarkozy avant mai 2007, véritable soubassement de son programme économique.La loi Tepa, c'était d'abord, pour une grande partie des Français, le rétablissement d'un allégement fiscal - sous la forme de crédit d'impôt pour intérêts d'emprunt -, en faveur de l'achat de la résidence principale. Une mesure correspondant à l'un des deux grands axes de la campagne de Nicolas Sarkozy : la propriété. Las, ce dispositif a disparu au début de l'année, sacrifié sur l'autel de la nécessaire rationalisation de la politique du logement. Mal adapté, il a été remplacé par une extension du prêt à taux zéro.Tepa, c'était aussi, et surtout, d'un point de vue symbolique, le bouclier fiscal fixé à 50 % des revenus, et intégrant la CSG. Un « cadeau aux riches », de près de 15 milliards d'euros, avait tout de suite dénoncé la gauche, convainquant rapidement l'opinion sur ce point. Il faut dire que les fuites dans la presse, sur des chèques de dizaines de millions d'euros remis par le fisc à de très riches contribuables, n'étaient pas du meilleur effet. Qu'on se souvienne des 30 millions versés ainsi à Liliane Bettencourt... Pour l'opinion, la loi Tepa fut très vite assimilée et ramenée à ce bouclier et à la suppression des droits de succession (pour 95 % des transmissions). Deux dispositions que l'Élysée a donc décidé de supprimer, pour la première, et de remettre en cause pour la seconde. Quant à la possibilité de réduire l'ISF via un investissement dans les PME, autre mesure phare de la loi Tepa, Bercy la verrait bien disparaître, après avoir réduit l'ampleur de l'allégement fiscal.Ce démantèlement d'une loi phare du quinquennat, la majorité ne peut évidemment pas le nier. Elle l'explique par une nécessaire prise en compte des circonstances. Jean-François Copé souligne ainsi la succession de crises depuis 2008 - financière, économique, sociale... - qui ont remis en cause la stratégie initiale. Il y a là, sans doute, une part de vérité. Mais cette justification exonère à bon compte la responsabilité de l'exécutif.Le problème de Tepa tient d'abord, et surtout, à sa conception même. Tout à sa volonté d'être prêt à agir vite, une fois au pouvoir, le candidat Sarkozy a imaginé pendant la campagne électorale cet ensemble de mesures, en consultant bien sûr des experts de Bercy, des « technos », dans leur jargon, mais... pas trop. Le dispositif a été conçu, principalement, par des hauts fonctionnaires très politiques, dans une optique purement politique. Il avait surtout pour mérite de correspondre aux axes de la campagne, résumés en deux mots par le candidat Sarkozy : travail et propriété.Une fois arrivé aux affaires, l'Élysée a imposé à Bercy des mesures dont l'administration savait qu'elles ne pouvaient tenir la route, ou bien mal. La tentative du ministre du Budget d'alors, Éric Woerth, de limiter l'ampleur du crédit d'impôt pour intérêts d'emprunt a été très vite stoppée. Pourtant, avec un bel ensemble, les économistes soulignaient l'impact inflationniste de cette carotte fiscale : ce que les accédants à la propriété allaient gagner d'un côté, ils allaient le perdre de l'autre, en raison de la hausse des prix. Ce qui eut lieu... S'agissant du bouclier fiscal, Bercy ne put prendre le temps de repenser le dispositif : personne ne songea alors à l'image désastreuse de la distribution de chèques de plusieurs millions d'euros aux plus aisés des contribuables. Pourtant, d'un point de vue technique, il était possible de procéder autrement (impôt réduit dès son paiement, et non après coup).Quant à l'exonération de cotisations salariales et d'impôt sur le revenu, pour heures supplémentaires, les experts proches de Bercy résument aujourd'hui cette mesure à un simple blanchiment des heures sup' auparavant non déclarées. Suggérée par l'économiste Michel Godet, cette façon de contourner les 35 heures - impossibles à remettre en cause frontalement -, en encourageant les salariés à réaliser des heures supplémentaires, correspondait évidemment au volet travail - le fameux « travailler plus pour gagner plus » - du candidat Sarkozy. Un dispositif dicté par un thème de campagne, ne correspondant à aucune nécessité économique. C'est le dernier volet de Tepa qui subsiste, intact. Il pourrait être remis en cause après 2012...L'analyse
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