Pourquoi la Grèce est devenue l'otage de ses puissants créanciers

« Le peuple grec mérite un accord politique », a dit Pierre Moscovici lundi après-midi à une rangée de journalistes frigorifiés venus tendre leurs micros à son arrivée au Conseil des ministres européen. Le ministre français des Finances faisait allusion au nécessaire déblocage de l\'aide européenne à Athènes pour une trentaine de milliards d\'euros. Pendant ce temps, son homologue allemand, Wolfgang Schäuble glissait discrètement derrière lui en soufflant un « Vive la France ! » sonore avant de s\'engouffrer dans le bâtiment du Conseil des ministres.Voilà une scène qui résume assez bien le nouvel épisode du drame grec qui s\'est joué lundi soir à Bruxelles : l\'affichage d\'une complicité de façade entre « Grands »... sans solution durable à l\'insolvabilité grecque, ce mal qui mine l\'Union monétaire depuis maintenant trois ans.Echec de la politique menée depuis 2010« Dans la perception des uns et des autres, Samaras a pris le taureau par les cornes et cela fait la différence. Cela mériterait un encouragement », disait il y a peu un haut fonctionnaire européen. C\'est tout le paradoxe de la situation actuelle où la Grèce n\'a jamais été aussi proche de remplir les engagements pris à l\'égard de ses créanciers, et n\'a jamais été aussi peu assurée de recevoir les fonds dont elle a cruellement besoin pour payer ses factures.Athènes fait les frais des différends entre ses puissants créanciers. Différends qui résultent en partie de l\'échec de la politique menée depuis 2010.Le premier oppose le Fonds monétaire international (FMI) et l\'Union européenne (UE). Pour l\'institution de Washington, la poursuite du programme grec, qui passe par le versement d\'une tranche de plus de 31 milliards d\'euros attendue depuis le 30 juin, doit être conditionnée à une révision générale du programme. Sa logique est implacable : tous les plans échaffaudés pour le sauvetage de la Grèce visent à ramener sa dette à un niveau « soutenable » de 120% du PIB en 2020. Or l\'inconséquence des précédents gouvernements grecs ajoutée à la récession ont invalidé cette « trajectoire » sur le fondement de laquelle le FMI a obtenu l\'aval de ses actionnaires américain, brésilien et autres pour mettre au pot. « Nous ne sommes pas venus pour une solution d\'urgence mais pour une solution durable », avertissait Christine Lagarde en arrivant à Bruxelles.L\'objectif d\'une dette grecque représentant 120% du PIB en 2020 est irréalistePour les Européens, au contraire, le moment est venu de découpler la question de la soutenabilité à moyen terme de la dette et le déblocage des tranches d\'aide. Il faut un « accord politique pour permettre la validation du programme grec... il restera des questions à résoudre ensuite par exemple sur la soutenabilité », indiquait Pierre Moscovici en arrivant à Bruxelles.Le second différend oppose la Banque centrale européenne (BCE) et les capitales européennes. Personne, en effet, ne conteste le fait que la réduction à 120% de PIB de la dette grecque en 2020 est devenue un objectif irréaliste.Le rapport de la troïka, sur la base duquel les ministres ont travaillé lundi soir, enfonce le clou puisqu\'il fait monter la dette hellénique à 190% du PIB contre moins de 170% dans le précédent rapport de mars 2012. D\'un excédent primaire de 3,6 milliards en 2013 et de presque 10 milliards en 2014 en mars 2012, les prévisions des experts européens ont été dramatiquement révisées à la baisse. Ils tablent à présent sur un équilibre (lui-même fort aléatoire) en 2013 et un excédent de seulement 1,5% milliard en 2014.Vers une nouvelle restructuration de la dette héllèneLa question du jour est donc celle d\'une nouvelle restructuration. Les créanciers privés ayant déjà donné en 2011, les suivants sur la liste sont les créanciers publics. C\'est pourquoi toute réunion au sommet entre dirigeants de l\'eurozone, de la BCE et du FMI s\'apparente au conseil d\'administration d\'une entreprise en faillite où il s\'agit de savoir qui va prendre ses pertes.Ici, les regards se tournent vers Mario Draghi, le président de la BCE qui détient environ 50 milliards d\'euros d\'obligations grecques... mais ne veut pas entendre parler d\'un « hair cut ». Une solution plus élégante, et non moins efficace, serait pour les seize compagnons de galère de la Grèce de renoncer à leurs gains sur ces créances.Des Européens peu pressés d\'apporter une solution durableMalheureusement, les Européens ne semblent pas presser d\'apporter la solution durable recommandée par les économistes et demandée par Christine Lagarde. « En remettant cette question à plus tard, on gagne du temps pour montrer que les réformes grecques produisent des effets et surtout la possibilité de joindre plusieurs dossiers et d\'aller une seule fois devant le parlement », concédait récemment un haut fonctionnaire européen, car dans certains pays, comme les Pays-Bas ou l\'Allemagne, le déblocage de chaque tranche fait l\'objet d\'un débat parlementaire serré.En attendant, on évite aussi de faire l\'amer constat que la stratégie suivie jusqu\'à présent n\'a pas sorti Athènes de l\'ornière et continue de plomber l\'horizon de la zone euro. 
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