Enfin un cadre pour contester le délai raisonnable d'une enquête

La procédure d'enquête menée par le Conseil de la concurrence, devenu aujourd'hui l'Autorité de la concurrence, n'est pas contradictoire. Au cours de cette phase, les entreprises sur lesquelles pèsent des soupçons d'entente ne peuvent pas se défendre. Si l'enquête est d'une durée excessive, elles sont susceptibles d'invoquer le droit d'avoir un procès équitable dans un délai raisonnable en s'appuyant sur le fameux article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Saisie de cette question de droit dans un contentieux, la chambre commerciale de la Cour de cassation a défini, pour la première fois dans un arrêt du 23 novembre 2010, le cadre juridique à suivre pour les juges du fond dans l'analyse des faits.Concrètement, le Conseil de la concurrence avait sanctionné, dans une décision du 13 mars 2006, pour un montant global de 45,4 millions d'euros, 13 sociétés exploitant des marques de parfums et cosmétiques de luxe pour s'être entendues entre 1997 et 2000 avec leurs distributeurs sur les prix de vente au consommateur. Les entreprises concernées ont contesté en justice cette sanction. Elles ont invoqué notamment la durée excessive de la procédure d'enquête, soit 4 ans et demi entre la réception du rapport d'enquête le 19 septembre 2000 et la notification des griefs (début du débat contradictoire) le 5 avril 2005. En raison de ce temps accumulé, elles ont estimé ne pas avoir eu ensuite la possibilité de se défendre correctement.Dans un arrêt du 10 novembre 2009, la cour d'appel de Paris avait retenu sur ce point les arguments des entreprises sanctionnées. Selon les juges du fond, en raison de la durée excessive de l'enquête, les sociétés concernées avaient légitimement égaré une masse d'informations qu'elles auraient pu garder si elles avaient connu plus tôt leurs mises en cause par le Conseil de la concurrence. La cour d'appel de Paris a donc annulé la décision de 2006 de cette autorité administrative indépendante.plus pointilleuxMécontent de la position des juges du fond, le ministre de l'Economie s'est pourvu en cassation. Dans son arrêt du 23 novembre 2010, la Cour de cassation lui a donné gain de cause puisqu'elle renvoie l'affaire devant d'autres juges du fond. Pour la haute juridiction, la cour d'appel de Paris n'a pas assez motivé sa décision. Elle n'aurait pas dû déduire du délai court de la phase du contradictoire que l'affaire n'était finalement pas complexe et ne pouvait donc pas justifier un délai important de la procédure d'enquête menée par le Conseil de la concurrence.La Cour de cassation a également considéré que les juges du fond avaient eu une motivation générale pour conclure à l'atteinte irrémédiable aux droits de la défense des entreprises en raison de la durée excessive de la procédure d'enquête. Pour la haute juridiction, la cour d'appel aurait dû rechercher en quoi le délai écoulé durant la phase d'instruction devant le Conseil de la concurrence avait causé à chacune à des entreprises une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre. L'affaire est renvoyée devant une autre formation de jugement de la Cour d'appel de Paris. Les juges du fond sont appelés à être plus pointilleux pour motiver leur prochaine décision.
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