« Je transmets la présidence d'Apax France à Eddie Misrahi »

Depuis le début de l'année, Maurice Tchenio n'est plus président d'Apax France. L'homme d'affaires français a officiellement transmis le flambeau à son successeur, Eddie Misrahi. Après 40 années passées à la tête d'un des plus anciens fonds d'investissement au monde, c'est un long chapitre qui se ferme. Et un nouveau qui s'ouvre. Maurice Tchenio annonce ainsi à « La Tribune » la création d'une fondation de « venture philan-thropy », AlphaOmega, une première du genre en France. Son rôle sera d'investir directement dans des associations, afin de les aider à se développer. « C'est au secteur privé de prendre le relais des pouvoirs publics pour aider les personnes défavorisées », explique-t-il.Vous quittez la présidence d'Apax Partners France, société que vous avez co-fondée il y a quarante ans. Comment s'effectue ce passage de témoin ?Dès la création d'Apax, mes deux partenaires, Ronald Cohen et Alan Patricof, et moi-même avions l'ambition de créer une institution pérenne, permettant sa transmission de génération en génération d'associés. Ce passage de témoin a déjà été effectué en Grande-Bretagne et aux États-Unis ; c'est aujourd'hui mon tour. En 2006, j'avais dit que je quitterai la présidence d'Apax lorsque notre septième fonds serait totalement investi, ce qui est fait depuis le 31 décembre. Je transmets donc officiellement le flambeau à Eddie Misrahi. Je garde toutefois deux responsabilités. D'abord, je poursuis ma mission au sein du comité chargé d'accompagner les 29 participations de notre portefeuille qui ont vocation à être cédées dans les cinq à six ans qui viennent. Ensuite, je reste président de la gérance de la société cotée Altamir Amboise, qui a un actif net de 450 millions d'euros et que je souhaite amener à 1 milliard dans les cinq ans. Altamir Amboise sera l'un des principaux souscripteurs du prochain fonds d'Apax, dont la levée s'achèvera l'été prochain.Quel a été l'investissement le plus marquant de votre carrière ?Après 40 ans et plus de 150 investissements, il est difficile de répondre à cette question. Mais si je ne devais en citer qu'un, ce serait Sephora. Nous avons accompagné le fondateur de cette société, Dominique Mandonnaud, entrepreneur et artiste à ses débuts, dès 1991. Lorsque nous l'avons cédé à LVMH en 1997, la chaîne de parfumerie avait un concept marketing et un merchandising uniques au monde, illustrés notamment par sa boutique des Champs-Elysées. C'est aujourd'hui un leader mondial.Quelle sera votre vie après Apax ?Dès la fin de l'année 2007, j'ai commencé à me poser cette question. Mon souhait était de mettre mon expérience d'entrepreneur et de financier au service du secteur caritatif. J'ai donc décidé de créer AlphaOmega, une fondation de « venture philanthropy ». Ce type d'acteur existe en Grande-Bretagne et aux États-Unis mais pas encore en France. Reconnue d'utilité publique, AlphaOmega jouera, pour les associations à caractère social, le même rôle qu'un fonds de private equity pour les entreprises : elle y investira des capitaux afin de répondre à leurs besoins en fonds propres, construira avec elles un plan de développement et les accompagnera avec des moyens humains. Les donateurs veulent, le plus souvent, que leur argent soit immédiatement redistribué mais ne s'interrogent jamais sur son efficacité. Les associations ne peuvent donc ni investir ni se développer, ce qui compromet le bon emploi des fonds collectés.Quel type d'associations souhaitez-vous financer ?Nous viserons en priorité celles qui aident les personnes défavorisées à retrouver leur autonomie financière par l'éducation et l'accès à l'emploi. La crise n'a fait qu'accroître les besoins. À l'heure où les pouvoirs publics sont contraints de réduire leurs dépenses, c'est au secteur privé de prendre le relais. Mais pour inciter ce dernier à investir, il faut lui apporter des garanties et être capable de démontrer que son argent a bel et bien une utilité sociale.D'où proviendront les capitaux de votre fondation ?AlphaOmega sera dotée de 20 millions d'euros. Environ 11 millions d'euros seront apportés par ma famille. Pour le reste, je souhaite lancer un appel aux entrepreneurs et aux financiers pour développer le mouvement de « venture philanthropy » en France. J'ai commencé à constituer une équipe, qui devrait compter une dizaine de personnes d'ici trois ans, dont six investisseurs. Ensuite, j'ai l'intention d'établir un réseau bénévole de compétences, constitué d'avocats, de banquiers et de consultants, afin de reproduire l'écosystème que l'on retrouve dans le monde des affaires. Une fois qu'AlphaOmega sera mise sur pied, notre objectif sera d'investir dans deux associations par an et de les accompagner pendant environ cinq ans. Nous travaillons déjà sur un projet, que nous espérons conclure d'ici l'été. Pour chacun de nos investissements, des objectifs précis seront définis avec les associations afin de s'assurer que nos capitaux sont bien utilisés. Il est par exemple possible de mesurer l'impact de l'association sur le taux d'accès à l'emploi des personnes aidées. Si nous jugeons que les résultats ne sont pas satisfaisants, nous interromprons notre financement.
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