La justice luxembourgeoise empêche d'attaquer UBS

« C'est une décision catastrophique », a déclaré sous couvert d'anonymat, un particulier investi dans Luxalpha, sicav liée à Madoff. Une réaction au jugement rendu le 4 mars par le tribunal d'arrondissement à Luxembourg. Ce dernier a décidé que les actionnaires individuels ne pouvaient pas attaquer directement UBS Luxembourg en sa qualité de banque dépositaire « officielle » de Luxalpha, même si on sait aujourd'hui que le « vrai » dépositaire était Bernard Madoff. «Avec ce jugement, on veut nous faire taire», s'insurge l'investisseur. Cela revient à donner au liquidateur de Luxalpha « l'exclusivit頻 pour attaquer le dépositaire. Les plaignants font appel.« Cette décision est d'autant plus surprenante que l'article 36 de la loi du 20 décembre 2002, transposition d'une directive européenne sur les OPCVM (85/611/CEE), autorise l'actionnaire à attaquer directement le dépositaire », fait remarquer Isabelle Wekstein, associée du cabinet Wan Avocats. Cet article dit que « le dépositaire est responsable, selon le droit luxembourgeois, à l'égard des actionnaires de tout préjudice subi par eux résultant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution fautives de ses obligations. » Ce qui a été démontré dans le cas de Luxalpha. Pour rappel, l'objectif de la directive est, notamment, d'assurer une protection plus efficaces et plus uniforme des participants. Il est certain que cet article ne laisse pas la possibilité aux États membres de décider si la banque dépositaire est responsable ou non à l'égard uniquement de la sicav et non pas de ses actionnaires. Par ailleurs, « l'actionnaire dispose clairement d'un droit distinct de celui de la sicav par le fait que cette dernière est liée contractuellement au dépositaire mais pas l'actionnaire », précise l'avocate. Dans un article publié le 5 mars dans Luxembourg for Finance (lobby de la place luxembourgeoise), maître André Lutgen, du cabinet Lutgen & Mc Gaw, estime que « l'exercice individuel d'une multitude d'actions est susceptible de générer des résultats divergents. Ce risque n'existe pas dès lors que les liquidateurs ont engagé une action pour la sicav et donc par là dans l'intérêt collectif des actionnaires investisseurs ». Cela évite aussi d'engorger les tribunaux... Par ailleurs, « faisant référence à un arrêt de la Cour de cassation française, les jugements retiennent notamment que l'actionnaire-investisseur n'est pas créancier de Luxalpha mais qu'il a uniquement un droit financier au dividende au moment de la dissolution de la sociét頻, déclare maître Lutgen. Les créanciers sont remboursés en premier, les actionnaires se partageant ce qui reste.Une décision biaiséeMais si la question du dépositaire est importante, elle ne doit pas occulter le fait que le prospectus de Luxalpha agréé par le régulateur luxembourgeois était un faux. La décision d'investir dans Luxalpha est par conséquent biaisée. Il apparaît donc étrange qu'on ne puisse pas laisser un actionnaire demander directement des comptes à l'établissement à l'origine du produit dans la mesure où son investissement repose sur un document frauduleux, dont l'émetteur est passible de poursuite au pénal. Sur ce point, personne au Luxembourg ne souhaite s'exprimer. T. S.
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