Fiscalité du numérique : le sénateur Marini défend ses taxes sur les Google & co

« Tax me if you can » ("taxe-moi si tu peux"), telle était l'invitation, un brin provocatrice, d'un petit-déjeuner débat du think-tank Renaissance numérique au sénateur Philippe Marini, auteur justement d'une proposition de loi sur la fiscalité du numérique, qui a été renvoyée en commission des Finances début avril, alors que le gouvernement digère le rapport Colin & Collin qui propose une fiscalité nationale assise sur la détention des données personnelles des internautes. Le sénateur UMP de l'Oise a défendu l'idée que « le numérique n'est pas un secteur de l'économie. C'est le levier qui, s'appliquant à tous les secteurs, transforme tous les modèles économiques. » C'est l'un des fondements de sa proposition de loi (PPL n° 682 à consulter ici) et l'un des points de discorde avec les acteurs du secteur.Quid des autres multinationales qui « optimisent » aussi ? Ainsi, à la directrice juridique de Yahoo France lui demandant pourquoi ce texte ne s'attaque qu'aux entreprises « digitales », le sénateur Marini a soutenu l'importance du principe de neutralité et la nécessité de taxer de la même façon le commerce virtuel et physique et la publicité qu'elle soit en ligne ou audiovisuelle, en transposant la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) au commerce électronique (appelée Tascoe, assise sur le montant hors taxe de la valeur ajoutée du prix) et la taxe due par les régies publicitaires classiques au média Internet (assise sur les sommes payées par les annonceurs aux régies ). De même, Godefroy Jordan, administrateur du think-tank et président de la start-up StartingDot, a déploré une proposition de loi « trop simple, ciselée pour contre-carrer l'optimisation fiscale des GAFA » mais ne traitant pas le cas des autres multinationales qui jouent aussi des prix de transfert comme Total. « Je ne prétends que cette proposition de loi soit parfaite, elle ne l'est pas » a déclaré Philippe Marini. Mais à ses yeux, c'est au G20, « le directoire, le conseil d'administration du monde », de traiter ce problème plus large, et la prise de conscience s'accélère au sein de l'OCDE.Le « tax shopping » de Google Ceci dit, « il faut bien distinguer évasion fiscale et optimisation fiscale : un modèle comme celui de Google, mis au point par les meilleurs juristes de la planète, est un modèle d'optimisation, c'est le tax shopping, qui consiste à installer son siège européen dans le pays le plus propice fiscalement », tout en notant qu'il n'y a « rien d'anormal à cela. » Mais fataliste, le sénateur observe que « tant que des pays auront intérêt à faire du dumping fiscal, il n'est pas pensable de faire converger les taux d'imposition sur les sociétés en Europe. » Il observe que « le sujet n'est pas national, mais c'est là que le débat peut avoir lieu, les opinions publiques sont structurées nationalement. » Cependant, « rien n'empêche de demander une accélération du calendrier d'harmonisation fiscale dans l'Union » en matière de TVA notamment, car « l'Europe c'est un « bargain » (du marchandage NDLR), ce n'est pas une réunion de bisounours, chacun défend ses intérêts. Le Luxembourg c'est une entreprise, une firme » a-t-il lancé.Un peu d'optimisation mais pas de distorsionSe présentant en « bon élève », qui paie sa TVA, à la différence de la concurrence, mais pas d'impôt sur les bénéfices, puisque sa société est toujours en perte, le directeur général de Deezer, Simon Baldeyrou, a relevé que la définition de la valeur ajoutée dans le texte était « une porte ouverte à l'optimisation », puisqu'il pourrait, par exemple, jouer sur les droits musicaux multi-territoriaux. « Faire un peu d'optimisation fiscale n'est pas condamnable, ni un peu de compétition fiscale, même les collectivités fiscales en font, mais il ne faut pas qu'il y ait de distorsion économique » a réagi le Philippe Marini. Le sénateur a aussi relevé que le sujet était « explosif » sur le plan démocratique « le consentement à l'impôt risque de diminuer » si les contribuables voient qu'ils sont taxés et que les multinationales ne le sont pas ou à peine.  
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