Le verdict de Bhopal suscite la fureur en Inde

C'est une caricature dans le Times of India. On y voit deux épaves humaines devant les ruines de l'usine Union Carbide de Bhopal. « En dépit de l'inflation, il y a une chose qui n'augmente pas, dit l'une des victimes de la tragédie, le prix de la vie humaine, toujours aussi dérisoire...  » Ce dessin cruel résume bien les sentiments de la population indienne quelques jours après le verdict rendu dans l'affaire de la fuite de gaz intervenue en décembre 1984. Pour la pire catastrophe industrielle de l'Histoire, avec un bilan de 25.000 morts au fil des ans et peut-être 100.000 personnes handicapées à vie, sept anciens dirigeants locaux de l'usine ont écopé lors du jugement le 7 juin de deux ans de prison et d'amendes symboliques.PASSIVITÉ DES POUVOIRS PUBLICsLes ONG, la presse, l'opposition fustigent un verdict dérisoire intervenu au terme de délais inacceptables. Et ils dénoncent surtout la passivité des pouvoirs publics qui, pendant vingt-cinq ans, n'ont procuré aux victimes que des indemnisations infimes et n'ont jamais nettoyé le site de l'usine (« La Tribune » du 30 novembre 2009). Si bien que l'intoxication continue via la nappe phréatique, faisant sans cesse de nouvelles victimes.La fureur publique est encore accentuée par le contraste jugé insupportable entre le traitement réservé à Bhopal et celui de la fuite de pétrole en cours dans le golfe du Mexique. « Nous leur ferons payer (à BP) le moindre cent dû aux gens de la côte » : ces propos de Barack Obama sont cités ici comme un exemple parfait de double langage américain. D'un côté, la marée noire qui frappe les États-Unis est considérée comme un désastre de première ampleur et les indemnisations envisagées se chiffreront en milliards de dollars.Mais de l'autre, les États-Unis se lavent les mains de la tragédie de Bhopal, autrement plus grave en termes humains. Le pays n'a jamais envisagé d'extrader Warren Anderson, qui était PDG d'Union Carbide lors de l'explosion, et que l'Inde considère comme l'accusé numéro un. De même, pas question que Dow Chemical, qui a racheté Union Carbide à la fin des années 90, voit sa responsabilité engagée dans la compensation des dommages. Le Département d'Etat vient d'affirmer son espoir de voir le verdict de cette semaine mettre un terme à l'affaire. Patrick de Jacquelot, à New-Delh
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.