Ces conseillers de luxe de la finance française

En ces temps de crise financière, ils sont des atouts de luxe. Anciens grands patrons, banquiers ou hauts fonctionnaires, ils sont quelques-uns à s'être reconvertis dans les banques d'affaires ou les fonds d'investissement. Sexagénaires dotés d'une longue expérience du monde des affaires, ce sont des ouvreurs de portes au profond carnet d'adresses. En France, ils s'appellent Bernard Attali chez TPG, Charles de Croisset pour Goldman Sachs, Maurice Lévy pour Blackstone ou Patrick Ponsolle chez Rothschild, Jean-Marc Espalioux pour Permira, François Roussely chez Credit Suisse.Dans les banques comme dans les fonds, ces « super conseillers » fonctionnent comme des électrons libres, mettant à profit leurs relations privilégiées avec les grands patrons pour décrocher des affaires. Leur pedigree illustre la puissance de leur carnet d'adresses (voir illustrations). Pour autant, si leur proximité avec les grands patrons fait la différence, ils s'attachent à ne pas trop concentrer l'attention sur eux. « Nous devons prendre des initiatives de manière autonome, tout en nous coordonnant avec les équipes et en valorisant leur travail », souligne Patrick Ponsolle, vice-président chez Rothschild. Car officiellement, ils n'ont aucun rôle managérial. Ils sont souvent rattachés au président comme Patrick Ponsolle à David de Rothschild ou Jean Lemierre, ancien directeur du Trésor, à Michel Pébereau chez BNP Paribas. « Nous sommes à la fois dans et en dehors de la banque. Nous n'avons pas d'équipes ni de responsabilités hiérarchiques », explique François de Combret, « senior advisor » chez Crédit Agricolegricole CIB, après l'avoir été pendant quatre ans chez UBS.Au quotidien, chacun oeuvre à sa manière. Certains, comme François Roussely, restent très présents dans la vie de la banque, en l'occurrence Credit Suisse, puisqu'il l'a dirigée pendant cinq ans. D'autres, comme François de Combret ou Charles de Croisset sont moins impliqués.Concrètement, leur aide est souvent volontairement « invisible ». Au Crédit Agricolegricole, on reconnaît que la proximité entre François de Combret et Louis Schweitzer, le président du conseil de surveillance du « Monde », a aidé à conseiller le quotidien du soir pour son rachat. Patrick Ponsolle, lui, facilite davantage les relations avec les dirigeants de Total, de BNP Paribas ou les nouveaux de Crédit Agricolegricole qu'il connaît depuis fort longtemps. De son côté, Jean Lemierre aide beaucoup BNP Paribas dans ses réflexions et son développement à l'international. Il a notamment joué un rôle actif dans l'étude du dossier de la banque allemande BHF. Quant à Charles de Croisset, il avait inévitablement été à l'origine du mandat de Goldman Sachs pour conseiller HSBC France dans la vente de ses banques régionales début 2008.Ces conseillers de luxe portent bien leur nom. La plupart bénéficient d'un salaire souvent comparable à ceux de banquiers confirmés, soit environ 200.000 euros annuels. À cela s'ajoute leur bonus en cas d'obtention de mandats. Lors des belles années, ils peuvent engranger plus de 1 million d'euros?!S'associer leurs services est également une pratique très répandue dans les fonds, notamment anglo-saxons. L'objectif est de disposer d'une tête de pont sur certains marchés, afin de gommer le désavantage lié à la méconnaissance de la culture locale. C'est, par exemple, la démarche adoptée par le géant américain du LBO (leverage buy out, rachat d'entreprise avec effet de levier), TPG Capital, propriétaire en France du spécialiste de la télédiffusion TDF. Depuis 2003, Bernard Attali représente ses intérêts dans l'Hexagone. « J'ai connu David Bonderman [cofondateur de TPG, Ndlr] il y a une vingtaine d'années. J'étais alors président d'Air France et lui était le principal investisseur de Continental Airlines », se remémore l'intéressé. Son rôle?? « Établir une passerelle entre les équipes américaines de TPG Capital et le monde des affaires en France. Faire comprendre la culture américaine aux Français et vice versa... » À son sens, « il n'est possible d'avoir des relations privilégiées que si vous êtes crédible, si votre passé parle pour vous ». Lui fait parler une expérience longue de près de quarante ans, qui l'a conduit de la présidence du GAN à la Cour des comptes en passant par le comité exécutif du groupe Lagardèrerave;re. Présent dans la quasi-totalité des comités d'investissement de TPG, Bernard Attali intervient sur chaque opération réalisée en France, de l'analyse des opportunités d'acquisition à la gestion de la société. Chez TPG, être « senior advisor » est donc un job à plein-temps.Chez les autres spécialistes anglo-saxons du LBO, la tâche est, en revanche, souvent moins prenante. Blackstone, par exemple, n'a recours à la majorité de ses superconseillers que de manière ponctuelle, pour des « réflexions sur la stratégie de Blackstone ou sur certaines opérations », raconte un proche du fonds. Trois Français figurent à l'« advisory board » de Blackstone?: le président de Publicis, Maurice Lévy, l'ancien ambassadeur de France à Londres, Gérard Errera, et Serge Weinberg, l'ex-patron de PPR. L'entregent de ces conseillers est tel que leur seule présence lors de négociations suffit parfois pour faire pencher la balance. Le fonds d'investissement Sagard, fondé par la famille canadienne Desmarais, a par exemple largement bénéficié, lors du rachat de Kiloutou en 2005, de la relation privilégiée qu'entretenait l'un de ses conseillers, Bruno Rohmer (ancien dirigeant de Havas Communication), avec Franky Mulliez, le fondateur de la société. En soutien de son comité industriel, Sagard peut également compter sur la présence de Didier Pineau-Valencienne, administrateur de Lagardèrerave;re et de Pernod Ricard.Toutefois, « le recours à ce type de conseillers, assez coûteux, est une pratique qui tend à décliner dans le private equity [investissement non coté, Ndlr] depuis quelques années », glisse le responsable d'un fonds américain. Carlyle, par exemple, autrefois représenté par Yves de Chaisemartin (Hersant, Le Figaro...), n'a plus de « senior advisor » en France... La crise financière a obligé à réduire les dépenses, surtout de luxe. Mais dans un monde financier toujours aussi concurrentiel, le carnet d'adresses reste un avantage qui n'a pas de prix.Alexandre Maddens et Matthieu Pechberty
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