être féministe, c'est tout simplement être humaniste »Recue...

être féministe, c'est tout simplement être humaniste »Recueilli par Lysiane J. BauduLes valeurs véhiculées par la francophonie sont-elles favorables aux femmes?? Ainsi, c'est «?liberté, égalité, fraternité?» et non pas «?sororité?», qui est écrit au fronton des écoles et des mairies...C'est vrai, de même que le masculin l'emporte sur le féminin dans la langue française et que l'on parle de la patrie des «?droits de l'homme?». La France est à cet égard très attachée à cette expression, qui correspond à un moment emblématique de son histoire. Or il s'agit avant tout du droit «?des hommes?». Les mots ne sont pas neutres?!Dans le monde de la francophonie, il y a d'ailleurs débat. Certains, comme les Canadiens, préférant parler de droits de la personne, d'autres, de droits humains. Mais les organisations de la francophonie font très attention aux droits des femmes?: scolarisation des filles et égalité des genres, entre autres, font partie du Manifeste de la Francophonie et certaines instances travaillent sur ces sujets. La scolarisation des filles, par exemple, est bien à l'intersection du concept de liberté et d'égalité. On sait bien qu'aucune société ne se développe sans l'éducation - porteuse de liberté et d'égalité - de la moitié de sa population, les femmes en l'occurrence.Dans les films ou les documentaires diffusés par TV5 Monde, vous attachez-vous à transmettre cette notion d'égalité des femmes??Nous ne faisons qu'acheter des productions, que TV5 Monde diffuse dans 198 pays et dans 215 millions de foyers, nous ne produisons pas de documentaires, de fictions ou de films. Cela dit, dans notre sélection, nous tenons à diffuser des séries réalisées par des femmes. Je pense par exemple à «?Ina?», une production réalisée par une femme burkinabée, mettant en scène une jeune fille qui veut faire des études et devenir avocate. Elle se heurte à l'opposition de son père et de certains garçons avec lesquels elle étudie, mais ne veut pas finir vendeuse dans l'épicerie familiale. Des débats qui sont d'ailleurs universels, et qui peuvent avoir lieu en France aussi... Nous faisons attention à nos fictions, mais aussi à nos journaux télévisés. Aujourd'hui, nous avons autant de femmes que d'hommes qui présentent le journal. Et nous attachons une importance particulière aux invités. Les femmes ne doivent pas tenir le rôle exclusif de simples témoins ou de victimes, elles peuvent aussi être expertes ou protagonistes. Et l'on en trouve?! Nous avons proposé par exemple une programmation spéciale pour le 8 mars sur le thème des femmes et la science. Nous avons couvert la manifestation annuelle Unesco-L'Oréalcute;al, qui attribue des prix à cinq femmes scientifiques. Dans le même esprit, à l'accueil de nos bureaux, nous avons en alternance des femmes et des hommes. Il est toujours difficile de savoir si ces préoccupations de mixité tiennent au fait que je suis une femme, ou simplement à l'individu que je suis. D'ailleurs, on ne demande jamais à un homme si ce qu'il pense est lié au fait qu'il est un homme. Les hommes se vivent toujours comme le genre universel.En tout cas, vous avez clairement conscience de la nécessité d'oeuvrer pour l'avancement des femmes... Oui, et tout est, justement, question de prise de conscience. J'avais noté, il y a quelques années, qu'il n'y avait pas de journalistes noirs en tant que présentateurs à TV5 Monde. Je ne crois pas qu'il s'agissait d'un acte raciste, mais l'humain reproduit inconsciemment les schémas auxquels il est habitué. Il fallait donc un petit déclic volontariste pour faire avancer les choses. À l'époque, des femmes journalistes noires ont fait leur entrée à l'antenne... Mais moi aussi je dois rester vigilante, car les conditionnements agissent sur notre inconscient. Je crois néanmoins être à peu près consciente des inégalités hommes/femmes, et j'essaie d'en faire prendre conscience, au risque de déplaire à ceux qui prononcent le mot «?féministe?» avec une moue de désapprobation navrée. Ainsi, à une récente remise de prix en mémoire d'une femme, j'ai fait remarquer à l'initiateur qu'il n'y avait pas de femmes dans le jury. Il ne s'en était pas rendu compte, et a reconnu spontanément que c'était une anomalie...Que faites-vous d'autres pour promouvoir la cause des femmes??Pour moi, être féministe, c'est tout simplement être humaniste. J'espère que j'aurais été dans le clan des anti-esclavagistes au XIXe siècle. Certains sujets me tiennent particulièrement à coeur. La première fois que j'ai vu une excision filmée en 2003, j'ai mesuré pleinement, s'il en était besoin, l'horreur de cette pratique qui concentre toutes les violences faites aux femmes. Nous avons fait une émission spéciale sur le sujet en 2009, soulignant par exemple que l'excision peut atrophier les muscles, ce qui entraîne une difficulté de contractions lors du premier accouchement, avec des conséquences funestes pour le premier enfant qu'une femme excisée met au monde et, parfois, pour la femme elle-même. Si les parents qui font exciser leurs filles étaient conscients de ces dangers, je me dis qu'ils abandonneraient cette pratique.Par ailleurs, avec une rédactrice en chef, nous travaillons à rassembler des documents audiovisuels que l'on trouve chez nos partenaires francophones et qui concernent les femmes - des portraits de femmes, des informations sur les droits des femmes, sur l'égalité, etc. - pour constituer un portail sur notre site Internet, avec des blogs, des témoignages de femmes, des dossiers de la rédaction. Enfin, nous travaillons actuellement avec le Cirtef* et les télévisions africaines francophones, ainsi qu'avec des médecins sur un petit «?six minutes?» hebdomadaire, que l'on pourra aussi diffuser dans les avions et sur les téléphones portables, donnant des informations sur la santé en général. Certains sujets, de la vaccination des enfants à la lutte contre le sida, touchent particulièrement les femmes. Mieux, les femmes sont souvent la courroie de transmission de ces informations dans la société. Et je suis persuadée que seules des informations médicales sur certaines pratiques, non seulement l'excision, mais aussi le «?repassage des seins?» et le gavage des femmes avant le mariage, sont de nature à faire évoluer les mentalités. Si je peux servir à quelque chose pour les femmes là où je suis, c'est-à-dire dans une chaîne porteuse de valeurs et qui permet une appréhension mondiale de la condition des femmes - qui sont le plus souvent victimes d'une atrophie du sens de l'altérité - je me dois de le faire. * Cirtef : Conseil international des radios-télévisions d'expression française.Directrice générale de TV5 mondeMarie-Christine Saragosse
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