Erasmus ou Indignados : quel avenir l'Europe réserve-t-elle à ses jeunes ?

« Si on n\'augmente pas les versements des États, le programme Erasmus (...) sera arrêté ». La déclaration du Président de la commission budgétaire du Parlement européen est aujourd\'hui corroborée par des faits : le Gouvernement espagnol vient d\'annoncer une baisse de 60% de ces financements Erasmus. Pourtant, à en croire le discours de la Commissaire européenne chargée de l\'Éducation et de la Culture, « Erasmus (...) est l\'une des plus grandes réussites de l\'UE ». Remettre en cause un succès de l\'Union européenne, à l\'heure où l\'on s\'interroge sur son avenir, constitue un apparent paradoxe. Mais sans doute qu\'en période de crise, comme pour tant d\'autres choses, son coût financier est devenu trop lourd à porter. Et si l\'on considère qu\'un tel abandon n\'est que l\'une des conséquences de l\'austérité à laquelle l\'Europe semble inexorablement se résoudre, alors l\'apparent paradoxe disparait. La déclaration et le peu d\'émoi qu\'elle occasionne entrent dans une certaine logique : il ne faut plus dépenser que pour l\'essentiel, et Erasmus en fait-il vraiment parti ?Le paradoxe est pourtant criant, mais il faut regarder ailleurs pour s\'en apercevoir. Il n\'est pas dans l\'abandon d\'une réussite mais dans les conséquences qu\'il pourrait avoir : favoriser une crise autrement plus grave que celle que le Vieux continent connaît actuellement.En Europe, les jeunes subissent durement les effets d\'une crise économique dont ils ne sont pas responsables, provoquant chez eux un puissant sentiment d\'injustice. Dans la zone Euro, le taux de chômage des moins de 25 ans est historiquement élevé, de l\'ordre de 26%. Il dépasse même les 50% en Grèce et en Espagne. Plus de 5,5 millions de jeunes se retrouvent sans emploi à travers l\'Europe, soit à peu près l\'équivalent de la population du Danemark. C\'est ce que l\'on pouvait apprendre à la lecture du très sérieux Washington Post le 5 septembre dernier, dans un article sur la jeunesse européenne titré : \"Young and without a future\" (Jeunes et sans avenir). Depuis plusieurs années, cette situation a mené une partie des jeunes dans la rue, avec le mouvement Juventud Sin Futuro (Jeunes sans futur) en Espagne - mouvement préfigurant celui des Indignés -, avec les manifestations de \"Geração à rasca\" (Génération à la traîne) au Portugal, avec bien d\'autres cortèges encore, notamment en Grèce et en Islande. Ces protestations pacifiques dénoncent la condition que notre continent vieillissant réserve à ses nouvelles générations. Mais, si l\'on n\'y prend garde, les conséquences de cette crise pourraient être bien moins paisibles.L\'histoire européenne des années 1930 nous a appris les conséquences tragiques que pouvaient avoir les déflagrations économiques. La rareté des ressources et la misère sociale peuvent en effet conduire au repli et à l\'indifférence en lieu et place de la coopération et de la solidarité. Il suffit pour s\'en convaincre d\'observer aujourd\'hui, à titre d\'exemple, la montée en puissance des indépendantistes catalans , dont les rassemblements affichent côte à côte des bannières « Non à l\'Europe » et « Indépendance maintenant », ou bien encore les études montrant l\'existence d\'une majorité populaire en faveur de l\'exclusion de la Grèce de la zone Euro . Les fondations de l\'Europe ne sont pas à l\'abri d\'un effondrement.Plus inquiétant encore, le désamour des jeunes envers l\'Europe est croissant. En France, une majorité d\'entre eux souhaite un recul de l\'intégration européenne pour contrer la crise . Alors même qu\'ils devraient être la génération européenne, celle pour qui l\'Europe représente l\'avenir et sur qui le projet européen repose, ils se montrent dorénavant moins favorables à la construction de l\'UE que les plus de 65 ans . Nous le voyons, à la faveur de la crise, le risque du repli est bien réel chez les jeunes. Si l\'on n\'y prend garde, cette génération, qui pour la première fois vivra sans doute moins bien que la précédente, pourrait bien être le vecteur d\'un retour à une certaine forme de nationalisme qui aurait simplement été masqué dans des habits plus contemporain et plus attrayant.Constater un tel risque ne doit pas nous conduire à l\'ériger en prophétie auto-réaliste. Bien au contraire, cela doit nous permettre de nous en prémunir. L\'Europe abrite sans doute en son sein le potentiel nécessaire pour construire un avenir meilleur à sa population. Mais, et le danger est là, celle-ci peine à y croire. Face au scepticisme européen, existe-t-il des remèdes ? Assurément. Faire des jeunes des ambassadeurs de l\'Europe, sans être une solution exclusive, en est indiscutablement un. Car oui, Erasmus est un programme à succès, oui il est un programme d\'égalité des chances et d\'élévation sociale pour ceux qui en bénéficient.Mais plus encore, il permet aux jeunes européens de cultiver le meilleur rempart contre toute forme d\'intégrisme : l\'ouverture d\'esprit, caractéristique de l\'humanisme. Erasmus sert ainsi l\'intérêt de ses bénéficiaires mais aussi, par les valeurs qu\'il porte, l\'intérêt de la société européenne toute entière. Vouloir le supprimer au nom d\'une gestion de bon père de famille pourrait alors avoir une conséquence paradoxale : celle de mettre l\'ensemble de la famille en danger. De l\'avenir que l\'Europe réservera à ses jeunes, pourrait bien dépendre l\'avenir de l\'Europe. 
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