« Willkommen Wall Strasse ! »

«Guten Morgen ». Pour entamer la dernière demi-heure précédant l'ouverture des échanges sur le New York Stock Exchange, Mark Haines, l'un des présentateurs vedette de CNBC, a délaissé jeudi dernier son traditionnel « Live from the financial capital of the world ». Il s'est au contraire livré à une petite tirade en allemand, avant de conclure : « Ils arrivent. » Quelques minutes plus tard, après la première coupure publicitaire, il reprend sa formule habituelle. Mais l'agrémente d'un « pour l'instant » évocateur. L'annonce la semaine dernière de négociations avancées entre Nyse-Euronext et Deutsche Börse, qui viennent de se conclure par un mariage express, a créé une véritable onde de choc aux États-Unis, et plus particulièrement à Wall Street. Les deux opérateurs boursiers ont pourtant tout fait pour présenter ce rapprochement comme une fusion d'égal à égal. Le nouveau groupe conservera deux sièges sociaux, à New York et à Francfort. Duncan Niederauer, l'actuel patron du groupe transatlantique, occupera le poste de directeur général. Mais pour les Américains, ce sont bien les Allemands qui rachètent ce symbole de leur toute-puissance financière, fondé il y a 219 ans par quelques traders sous un platane de Wall Street. « Du platane à une branche de la Börse », résume le « Wall Street Journal » pour raconter le destin de « cette citadelle du capitalisme américain ». La question du nom reste d'ailleurs posée. Pour des raisons politiques - des deux côtés de l'Atlantique -, il ne comprendrait plus aucune référence à New York ni à l'Allemagne. Certains évoquent une identité générique qui pourrait ressembler à « Global Exchange ». Adieu donc le Nyse ! Vendredi dernier, Wall Street s'est réveillée un peu moins sûre de sa force. Et tous ceux qui croyaient encore que New York était le centre financier mondial en sont pour leurs frais. La globalisation et la déréglementation ont eu raison de la prééminence new-yorkaise, et encore plus de celle du New York Stock Exchange. Mais il restait encore le symbole et, derrière les murs du 11 Wall Street, l'illusion qu'une part importante du destin de l'humanité se jouait là, sur ces quelques mètres carrés de parquet de plus en plus désertés. Tout cela a volé en éclats. « La cloche du Nyse continuera à sonner à New York », tempère Eliot Spitzer, l'ancien gouverneur de l'État. Duncan Niederauer ne s'est pas moins senti obligé de descendre sur le « trading floor » pour rassurer les courtiers qui y ont, pour la plupart, passé l'ensemble de leur carrière. Les dirigeants de la plate-forme boursière ont également cherché à rassurer les politiques locaux. Ni le maire de New York, Michael Bloomberg, ni les deux sénateurs démocrates de l'État n'ont encore réagi. Et au-delà, il faudra aussi convaincre Washington. Pour l'opinion publique américaine, dont le patriotisme a déjà été mis à rude épreuve, ce n'est qu'un symbole supplémentaire du déclin de l'empire américain. « Le monde a changé, le Nyse également », nuance Kenneth Polacri d'Icap Equities et vingt-sept années passées sur le parquet. « Il est désormais temps d'évoluer et de soutenir le changement. »
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