Outre-Rhin, l'obsession de la compétitivité

« Ils ruineront ainsi non seulement les industries des autres pays, mais aussi leur propre pays. » C'est ainsi qu'en 1880 Friedrich Engels résumait le succès à l'export des entreprises allemandes qui détrônait alors l'Angleterre. La puissance exportatrice est une des constantes de l'Allemagne. Elle lui a permis de passer du rang de nain économique en 1850 à celui de première économie européenne en 1914. Jusqu'aux années 1970, cette force était mise au service de la demande intérieure. C'était l'idée de « l'économie sociale de march頻. Mais en 1974, Helmut Schmidt décide de tout sacrifier à la compétitivité, même la consommation. La logique du chancelier social-démocrate est imparable : « Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. » Elle a frappé les esprits outre-Rhin. Après le coup d'arrêt à la compétitivité dû à la réunification et son généreux taux de change entre les deux marks, un autre social-démocrate, Gerhard Schröder, entreprend en 1999 de restaurer la puissance exportatrice. Comment faire ? Pas question de dévaluer, le mot est tabou outre-Rhin, car le pays est déjà dans la zone euro. Il faudra donc presser les salaires et flexibiliser le marché de l'emploi. Le pays découvre alors les emplois à 1 euro de l'heure, ceux à 400 euros par mois et la modération salariale. L'impact des réformes Schröder sur la productivité est immédiat. De 2000 à 2010, le coût unitaire du travail a progressé de 0,5 % par an en Allemagne contre 1,7 % en France et 2,7 % en Grèce. Malgré des efforts, nul ne peut résister devant une telle austérité. En alliant prix et qualité, les entreprises allemandes raflent nombre de marchés et le pays devient champion du monde des exportations en 2004. De 2005 à 2008, la part des exportations dans le PIB allemand passe de 41 % à 48 %, celle de la consommation recule de 59 % à 56 %. L'Allemagne connaît alors une croissance supérieure à la moyenne de la zone euro. Ses partenaires sont alors face à un dilemme : renforcer la demande intérieure et perdre encore du terrain ou se lancer dans une course à la compétitivité perdue d'avance. Mais 2009 marque la fin de la martingale. La demande mondiale s'effondre, le PIB allemand, sans matelas de sécurité en termes de demande intérieure, recule de 5 %, bien plus que le reste de la moyenne de la zone euro. Avec la crise grecque, un débat commence à se faire jour outre-Rhin sur la nécessité de rééquilibrer l'économie nationale. Syndicats et partis de gauche demandent un salaire minimum pour relancer la consommation. Mais le modèle exportateur est sacralisé outre-Rhin. C'est lui que Berlin présente comme exemple à l'Europe et à la Grèce. Lundi, la chancellerie invitait ainsi la France à se demander « plutôt comment faire progresser la part des exportations dans les autres pays ».Romaric Godin, à Francfort
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