Impôt ? et démocratie  : voter autrement la loi fiscale

Année après année, la période qui précède l'adoption de la loi de finances pour l'exercice à venir est marquée par son cortège de préalables bien connus : ballons d'essai, annonces péremptoires, reculades avant d'avancer, etc. La préparation du budget pour 2011 ne faillit pas à la règle. La seule chose dont on est sûr cette fois encore, c'est qu'il sera toujours aussi malaisé de contenir les dépenses et qu'on voudra encore une fois faire croire au bon peuple (pas vraiment dupe) qu'il n'est pas question d'augmenter les impôts... alors qu'on cherche par tous les moyens à augmenter le produit des recettes fiscales ! Comprenne qui pourra, et le fameux « bon sens populaire » ? dont les politiques nous rebattent les oreilles à longueur de campagnes électorales ? sera encore une fois bafoué avec le même aplomb par les uns et les autres.Ces pratiques, hélas constantes depuis belle lurette, pourront-elles perdurer ? Certains semblent le souhaiter, qui trouvent peut-être avantage au déroulement inexorable de cette machine déficitaire infernale que les gouvernements successifs ont fabriquée depuis 1980 (dernière année où le budget de l'État a été voté en équilibre), souvent il est vrai sous la contrainte des aléas conjoncturels négatifs des crises successives. Ceux-là se satisfont tout aussi bien d'une législation fiscale rendue sans cesse plus compliquée au point qu'on devient incapable d'en expliquer les contours, tant au plan global des budgets publics qu'au plan individuel des contribuables. Les autres pressentent au contraire qu'on ne pourra avant longtemps éviter des révisions significatives si l'on veut éviter les conséquences fâcheuses qui sont inéluctablement advenues à chaque fois qu'on a raté le rendez-vous avec les réformes en matière financière, et encore plus en matière fiscale. Se référant à des périodes de notre histoire nationale dont les ingrédients économiques, financiers et fiscaux n'étaient pas sans ressemblance avec la période actuelle, l'avis (1) que le Conseil économique, social et environnemental vient d'adopter prend position pour un véritable changement de ce qu'il appelle le « gouvernement de l'impôt ». Rappelant qu'il convient de conjuguer au mieux la complexité croissante de la gestion publique avec la nécessaire prise en compte des éléments de justice sociale et l'impérieuse obligation de promouvoir notre compétitivité économique, le Cese juge fondamental de remettre le citoyen au coeur du débat fiscal.Compte tenu des efforts que tous devront faire pour contribuer à la réduction des déficits publics et donc à la pérennité des régimes sociaux, il estime en effet que plus que jamais le « pacte fiscal citoyen » doit reposer sur une bonne compréhension des mécanismes fiscaux par tous et que cela passe par une autre façon de légiférer en matière fiscale.Dans cet esprit, les préconisations du Cese, radicales et cohérentes, s'articulent selon un triptyque redonnant au politique la primauté sur le technocrate. D'abord voter autrement la loi fiscale, disjointe de la loi de finances et en lui conférant un caractère solennel. Ensuite, préparer autrement la loi fiscale, en instituant un Office parlementaire de la fiscalité, disposant seul de la capacité d'élaboration de la législation fiscale. Enfin, suivre autrement la loi fiscale, en confiant à une conférence de l'impôt la mission du suivi et de l'évaluation, sur la base d'un diagnostic ? constituant le préalable à la loi fiscale.En préconisant un tel dispositif, le Cese entend donc alerter les responsables politiques sur le danger de continuer à n'apporter que des réponses technocratiques aux légitimes interrogations des citoyens en matière fiscale. En 1786, le roi Louis XVI prit l'initiative, sur le conseil de son ministre Calonne, de réunir une assemblée de notables pour l'aider à répondre à, disait-il, « ses préoccupations sur le soulagement de mes peuples, pour la réformation de plusieurs abus et pour l'ordre de mes finances ». Lesdits notables n'ont pas cru devoir donner suite à cette attente. On sait ce qu'il en advint quelques années plus tard ! Rien n'est jamais pareil, mais prenons garde à ne pas avoir à regretter le changement de cap salutaire qui nous est proposé. Le risque existe?: les débats du Cese l'ont bien montré. (1) Retrouvez le projet d'avis « Budgets publics (État et collectivités locales) : contribuables et citoyens », sur le site du Cese.
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