« La perte d'autorité de l'UE peut déboucher sur du protectionnisme »

La querelle entre Paris et Bruxelles sur les Roms relève-t-elle d'un incident ou d'une dégradation des relations ?C'est accidentel mais sérieux. Viviane Reding [commissaire européen], plutôt accommodante, a eu le sentiment d'avoir été trahie [après la révélation de la circulaire administrative]. Elle a senti que les ministres qu'on lui envoyait n'étaient pas sérieux et qu'on la traitait avec une certaine condescendance. Elle a réagi avec ses tripes mais elle n'a pas surréagi. On ne peut pas minimiser ce raté. Cette fois-ci, le sujet ne concerne pas un simple problème de dépassement budgétaire. Il touche à l'esprit des traités et à la culture européenne. Elle a eu raison d'être dure et d'évoquer la deuxième guerre mondiale, car nous allons être confrontés partout à des dérives populistes.Assiste-t-on à un retour du national dans la politique communautaire ?Nous vivons un épisode fascinant. Le Conseil européen [qui réunit les chefs d'état et de gouvernement] devient la matrice de la nouvelle eurozone qui se construit suite à la crise. Il est normal que ceux qui décident au cas par cas de nouveaux transferts de souveraineté soient les détenteurs du pouvoir le plus légitime, les gouvernements. Que l'accouchement de la nouvelle Europe se fasse dans la salle de travail du Conseil ne me gêne pas. L'important est de répondre aux événements. Or, les dirigeants n'y réagissent pas si mal. Il y a, au sein du Conseil européen, une sagesse collective, à défaut de vision.Les Français semblent en douter. Leur confiance dans les institutions européennes ne cesse de reculer....L'Europe n'a pas joué son rôle dans la crise. Elle a protégé les citoyens contre l'inflation mais elle a laissé importer les subprimes. Cela tient à cette culture de confiance dans le marché qui s'est installée à Bruxelles, et qui traduit une certaine paresse intellectuelle. Il y a assurément une perte d'autorité de l'Union face aux gouvernements qui ont repris du poil de la bête. Ma crainte est que cela débouche sur du protectionnisme. Les gens voient la classe moyenne se paupériser et la pauvreté tourner à la misère. Ils en veulent aux politiques à cause de leur impuissance. Or, l'Europe ne s'est jamais prononcée sur les inégalités. Elle nie cette difficulté. Son discours se focalise sur la croissance... qui n'est plus là. Propos recueillis par Florence Autret, à BruxellesPierre Defraigne, directeur de la Fondation Madariaga (Collège d'Europe)
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