Le pari du véhicule électrique

Les tenants de la voiture électrique, à commencer par Renault qui dévoile pas moins de quatre modèles au Salon de Francfort et table sur une part de marché de l'électrique de 20 % en 2020, mettent en avant son incomparable bilan environnemental. Mais le diesel, « avec ses progrès passés ou à venir qui vont conforter sa part de marché en Europe (déjà de 50 %), est un concurrent sérieux, reconnaît Xavier Mosquet, associé au bureau du BCG de Detroit. En 2020, il y aura encore probablement plus de diesel que d'hybrides vendus en Europe ». Les moteurs thermiques eux-mêmes ne cessent de s'améliorer, les experts s'accordant sur une marge de progression d'environ 20 % dans les prochaines années.Et puis, si la voiture électrique n'émet pas de CO2, son « bilan carbone » varie avec le mélange énergétique du pays. La Chine, qui possède des entreprises très en pointe, comme le fabricant de batteries et de voitures BYD, veut convertir 20 % de son parc automobile à l'électrique d'ici à 2020, mais elle produit toute son électricité à partir de charbon. L'électricité élimine aussi la pollution locale (particules fines, etc.) et, surtout, assure l'indépendance énergétique du pays, répondent ses défenseurs. Quant à l'hybride, déjà en circulation et dont les perspectives de parts de marché semblent plus sûres, elle nécessite la cohabitation d'un moteur thermique à essence ou diesel et de batteries électriques. Reste que le coût de la batterie, qui multiplie aujourd'hui celui du véhicule électrique par deux, et une autonomie limitée, constituent deux freins majeurs à son développement.À terme, le coût de la batterie devrait s'établir entre 300 et 350 euros par kilowatt, 25 kW correspondant à 150 km d'autonomie. Mais, outre les progrès technologiques attendus, cette amélioration nécessite surtout un effet volume. Or, pour que le véhicule électrique, de marché de niche, devienne un marché de masse, son utilisateur ne devra subir aucun surcoût. La batterie sera louée sur la base d'un forfait kilométrique semblable à ceux des téléphones mobiles qui, à partir de 1.000 km par mois, reviendra moins cher qu'un véhicule à essence. Mais ce système, par ailleurs complexe (quid de l'assurance de la batterie, si elle n'est pas la même que celle souscrite par le propriétaire pour son véhicule ?), ne résout pas le surcoût pour le constructeur. Le marché seul ne semble pas en mesure de résoudre cette équation, et les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer dans le soutien à la recherche et au développement, la subvention des achats et la mise en place d'infrastructures de recharge.partenariat essentielSi les distances moyennes de déplacement sont largement compatibles avec l'autonomie prévue (60 % des déplacements quotidiens sont inférieurs à 30 km), les freins psychologiques ne doivent pas être sous-estimés. En effet, « 95 % des recharges se feront au domicile pendant la nuit, mais l'existence de bornes sur la voie publique est déterminante », reconnaît Thierry Koskas, en charge du projet véhicule électrique chez Renault.En France, « l'investissement se fera essentiellement dans la sphère privée, parkings d'habitation ou d'entreprises, gares routières, centres commerciaux, chaînes de restauration rapide? », précise Jean-François Le Grand, le « monsieur véhicule décarbon頻 du gouvernement. Les pouvoirs publics interviendront sur le plan réglementaire, notamment pour mettre au point des règles de copropriété permettant le rechargement dans les immeubles collectifs. Par ailleurs, une démarche coordonnée d'achats entre l'État et des entreprises privées doit à terme atteindre 100.000 véhicules. Jean-Louis Borloo a d'ores et déjà annoncé samedi une commande publique de 40.000 véhicules et un soutien aux infrastructures et usines de batteries.Renault a rendu public hier à Francfort un partenariat avec Better Place, spécialiste des infrastructures de recharge, pour commercialiser d'ici à 2016 au Danemark et en Israël au moins 100.000 exemplaires de la Fluence ZE, sa berline électrique. Le marketing de services (accès aux bornes, facturation, etc.) est essentiel, mais, comme le note Xavier Mosquet, rien n'empêche les constructeurs, « pas très motivés par des contraintes supplémentaires, telles celles imposées sur l'architecture du véhicule pour pouvoir travailler avec les stations de recharge Better Place », de travailler en direct avec un électricien. C'est d'ailleurs ce que va faire Renault avec l'allemand RWE, comme ce dernier l'a annoncé hier à Francfort.3.000 véhicules à parisDans la phase actuelle, les expériences menées auprès de flottes captives ou dans certaines villes « sont précieuses pour acclimater le consommateur et examiner les conditions d'usage », note Xavier Mosquet. D'où l'intérêt porté au projet parisien d'autopartage Autolib qui mettra 3.000 véhicules électriques à disposition des Parisiens d'ici début 2011. Autre initiative, sur l'hybride rechargeable cette fois, le test de 100 véhicules équipés de batteries lithium-ion et d'une infrastructure de recharge dédiée qui sera mené par EDF et Renault à Strasbourg fin 2009. Dans le cadre du groupe de travail franco-allemand de normalisation, l'expérience sera transfrontalière. « La standardisation et la normalisation des infrastructures et des véhicules sont d'une importance cruciale », souligne Igor Czerny, directeur transports et véhicules électriques chez EDF.De son côté, Peugeot affiche sa priorité sur l'hybride rechargeable. Mais, avec son modèle iOn décliné de l'i-MiEV de son partenaire Mitsubishi et présenté à Francfort, il sera le premier à mettre un modèle tout électrique sur le marché européen fin 2010. Il dit avoir choisi de proposer « une gamme complète pour tous les usages, depuis la microhybridation jusqu'au tout électrique ». Derrière des stratégies de communication divergentes, la plupart des constructeurs développent en réalité en parallèle les deux technologies, qui présentent d'ailleurs plus d'une passerelle.
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