La crise de la dette redessine la carte de l'Europe

La victoire de Bart de Wever à Anvers ce dimanche soir est plus qu'un avertissement pour la Belgique. C'est un véritable avertissement pour toute l'Europe qui aurait bien tort de ne pas l'écouter aussi attentivement que les sirènes un peu trop flatteuses du comité Nobel d'Oslo. Elle est le signe que la gangrène de la crise de la dette gagne désormais l'architecture politique du vieux continent.AccélérateurCertes, le nationalisme flamand ne date pas de la crise grecque. Pas plus que l'autonomisme catalan ou basque. Mais il serait naïf de penser que le vent favorable à ces mouvements ces derniers mois est totalement indépendant des turbulences que traverse l'Europe depuis deux ans et demi. Si elle n'est pas la cause, la crise de la dette peut être un accélérateur. Du reste, l'histoire est bien là pour nous rappeler que les crises de la dette souveraine ont quasiment systématiquement des conséquences politiques. L'ancien régime français s'y est désintégré et Terre-Neuve y a perdu en 1934 son indépendance.Combat contre l'austérité ou pour échapper à l'austéritéDans les pays où ne se pose pas de problème unitaire, la crise de la dette conduit principalement à l'émergence de mouvements protestataires de gauche ou d'extrême-droite : Front national et Front de gauche en France, Parti Communiste ce week-end en république tchèque (qui a glané 20 % des voix aux régionales), Syriza et Aube Dorée en Grèce ou encore les « Vrais Finnois » en Finlande. Dans les pays où l'unité est problématique, le mouvement est différent : la question est de savoir qui va payer la dette de l'ensemble et qui va faire les efforts pour payer cette dette. Autrement dit, le combat n'est pas de lutter contre l'austérité, mais plutôt d'éviter l'austérité en le laissant aux autres.L'autonomie fiscale, au cœur du programme de la N-VADu coup, le séparatisme prend naturellement un nouvel élan, moins « ethnique » que financier. On comprend alors mieux le succès de la N-VA en Belgique, qui se fait en grande partie sur le dos du très xénophobe Vlams Belang (ex-Vlams Block). La N-VA est en effet un parti qui ne promet pas une indépendance immédiate, irréaliste, mais un divorce progressif, donc plus concret, plus réalisable. C'est aussi un mouvement qui insiste sur l'indépendance fiscale de la Flandre, sur la gestion propre des ressources propres de la région. Tout auréolé de sa victoire dimanche soir, Bart de Wever a immédiatement appeler à la « réforme confédérale » pour mettre fin à un « gouvernement [central] de taxe » et offrir la possibilité aux Flamands de « se gérer eux-mêmes. » Très clairement, l'autonomie de la N-VA est d'abord financière.La Flandre sans dette ?Certes, la crise de la dette n'a pas véritablement été au cœur de la campagne municipale belge. Mais dans l'atmosphère où vivent tous les Européens et dans un pays qui, comme la France a été dégradée par Standard & Poor's en janvier dernier et où la dette publique atteint 99 % de la richesse nationale, il est évident que beaucoup de Flamands ont compris le message de la N-VA comme celui que « la dette, c'est les autres ». Dans ce cas, les francophones et les Bruxellois. Mais remplacez ces derniers par les Andalous et les Extrémaduriens et vous aurez le discours d'Artur Mas, le président de la Generalitat, le gouvernement catalan.Exemple catalanCe dernier a proposé en septembre au chef du gouvernement central Mariano Rajoy un « pacte fiscal » qui n'est pas sans rappeler les projets de Bart de Wever : définir ses propres recettes fiscales et en disposer à sa guise. Là aussi, le message est clair : sans l'influence de Madrid, sans les transferts financiers vers les régions pauvres, sans le poids de la dette espagnole causée par le retard de ces dernières, la Catalogne serait moins endettée et plus prospère. Le pas d'Artur Mas est cependant considérable : jusqu'ici son parti, la CiU n'avait pas encore évoqué la sécession. C'est depuis cet automne chose faite et les élections du 25 novembre seront un véritable référendum sur le référendum pour l'indépendance. Evidemment, dans le cas catalan, le lien entre crise de la dette et crise de l'Etat espagnol est fort clair. Tout simplement, parce que la crise est plus aiguë en Espagne qu'en Belgique et qu'Artur Mas peut faire clairement miroiter l'option d'échapper à l'austérité par l'indépendance.Recentralisation italiennePour autant, il ne faut pas croire que la crise de la dette provoque toujours un éclatement des pays à l'unité fragile. Il peut également, à l'inverse, renforcer l'Etat central au détriment d'un processus fragile de décentralisation. C'est le cas en Italie où le gouvernement Monti, fort de l'affaiblissement de la Ligue du Nord, minée par les affaires et sa participation au gouvernement Berlusconi, a décidé de revenir sur la loi très décentralisatrice de 2001. Mario Monti veut redonner plus de compétence à l'Etat central pour éviter le gaspillage et la corruption, mais aussi pour mieux maîtriser l'effort d'austérité et mieux contrôler la dette publique. Là aussi, la crise de la dette va conduire à un changement de structure politique d'un pays européen, car l'Italie était engagée depuis plus de 40 ans dans une politique de dévolution des pouvoirs. Si la situation est inversée de celle que connaît la Belgique et l'Espagne, c'est que, cette fois, la crise de la dette a fait perdre du crédit aux exécutifs régionaux et au grand parti sécessionniste. Mais la logique n'est guère différente : l'Etat central accuse les régions de créer de la dette. Là encore, « la dette, c'est les autres. »Chacun pour soiEn réalité, la question qui se pose dans ces pays membres de la zone euro est la même que celle qui se pose au niveau européen. Doit-on gérer la dette au niveau central (en langage européen, on parle alors de « solution fédéraliste ») ou doit-on cloisonner les responsabilités à ce niveau ? Les dirigeants européens n'ont pas encore été réellement capables de faire un choix clair sur ce sujet. Les Etats nations sont donc sur le point de le faire. Et encore une fois, la décision européenne risque d'arriver trop tard. Car il sera bien difficile d'imposer à une Flandre ou à une Catalogne indépendante une co-responsabilité de la dette au niveau européen. Plus que jamais, chacun en Europe semble suivre sa propre voie sur ce terrain.  
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