"Il faut protéger les "pigeonneaux""

En tant que directeur de l\'incubateur de l\'Université Paris-Dauphine, il me semble opportun de me faire le porte-parole de ces jeunes « incubés » qui ne sont pas explicitement représentés par la « jacquerie fiscale » lancée par les grands entrepreneurs du Net.Cette onde de choc à consonance systémique, qui s\'est propagée spontanément au-delà de toute récupération politique, révèle un profond malaise qui se creuse de plus en plus entre les politiques et les entrepreneurs.Malgré le caractère récent du lancement de notre incubateur, j\'ai pu mesurer, avec les autres membres du jury, la forte culture entrepreneuriale qui prévaut à Dauphine. C\'est un vrai parcours du combattant qui attend pourtant les porteurs de projets désireux de pouvoir bénéficier d\'une structure d\'accueil comme celle de notre incubateur.Après un long processus de sélection, nous permettant d\'évaluer la solidité de leur business model et de leur business plan, le plus dur reste à faire pour les incubés : faire en sorte que l\'idée qu\'il porte soit vraiment innovante et puisse être pérenne dans le temps.C\'est bien mal jauger le profil psychologique de ces jeunes créateurs d\'entreprises que de réduire leur seule ambition à la réalisation d\'une consécration financière rapide. En effet, les motivations profondes d\'un jeune entrepreneur sont beaucoup plus complexes, son désir d\'innover, de créer de nouveaux produits, de sortir des modèles économiques standards, et les gènes propres à l \'entrepreneur sont les vrais moteurs qui le poussent à abandonner la sécurité financière d\'un grand groupe pour une aventure entrepreneuriale semée d\'embûches où l\'on travaille soixante-dix heures par semaine sans être pour autant rémunéré de manière convenable.A tire d\'exemple, la première start-up que nous avons incubé, SPEAR, dont les trois fondateurs sont issus de Dauphine, HEC, et Centrale Paris, montre bien que le dénominateur commun de ces trois profils d\'excellence est leur volonté de se regrouper autour d\'un projet, en l\'occurrence ici, réconcilier l\'économie réelle et la finance solidaire. On est bien loin des succès story de la Silicon Valley, mais la menace d\'une taxation démesurée sur les plus-values de cession à plus de 60% est bien évidemment contre-productive et briseuse de rêves.Comment en effet concilier le choix de créer sa start-up et d\'assumer les risques inhérent à cette vocation tout en gommant à terme la rémunération du risque? Pourquoi créer de la richesse et des emplois si demain pour un actionnaire productif, l\'Etat confisque les 2/3 du fruit de leur travail, de leur investissement humain et financier? Comment dès lors éviter la fuite de ces jeunes talents vers des horizons plus cléments à l\'entrepreneuriat ?Enfin, comment participer au « redressement productif » sans aider fiscalement le développement d\'entreprises innovantes par les fonds d\'amorçage, les fonds de capital-risque...Il est donc impératif d\'instaurer une fiscalité plus incitative afin de privilégier davantage les plus-values issues du travail et donc de favoriser l\'éclosion de start-up qui est la seule voie possible face à la désindustrialisation que nous subissons depuis des décennies. Il faut donc, à l\'inverse du PLF 2013, taxer le moins possible l\'investissement risqué afin de favoriser la création de start-up, générateur des emplois de demain.Malgré les propos apaisants du ministre Pierre Moscovici indiquant vouloir taxer la rente et non le risque , les deux amendements en gestation ne rassurent pas nos jeunes créateurs d\'entreprise. A cet égard, je rejoins les propos tenus dans La Tribune par Philippe Botteri, d\'Accel Parners, indiquant que les amendements proposés par Bercy « risquent d\'affaiblir un écosystème en plein essor et générateur d\'emploi ». Cela concerne tant l\'amendement qui porte sur une durée minimale de détention du capital par les fondateurs, obligés pourtant de se diluer pour rendre pérenne leur entreprise, que le second visant à instaurer une durée arbitraire de détention afin de bénéficier d\'abattements fiscaux. Ces propositions de l\'administration fiscale occultent complètement la réalité du monde entrepreneurial !Ne construisons pas une nouvelle usine à gaz dans un monde où au contraire la flexibilité est le maître-mot. Ce n\'est pas en taxant le futur par des mécanismes complexes et surannés que nos jeunes talents resteront en France pour créer des start-up. Il y a, à mon sens, une inférence, car ce sont les start-up qui, en créant de la richesse et des emplois, permettront, à terme, de nouvelles recettes fiscales. La problématique visant à alourdir la taxation des plus-values de cession produit l\'effet inverse. Il faut donc au contraire mettre en place une fiscalité plus incitative au nom du « redressement productif », car comment peut-on générer de la croissance sans entrepreneur et sans investisseur ?
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.