"Une crise peut en cacher d'autres"

La référence à la crise, que l’on ne peut pas qualifier de Grande Crise car l’appellation est déjà prise, est trompeuse. Non seulement parce que de financière elle est devenue économique puis sociale, et même politique, mais parce qu’elle a d’autres dimensions encore : celles d’une crise de la mondialisation, de l\'épuisement des ressources de la planète et de la détérioration de l’environnement. Ses causes proprement financières, sur lesquelles on ne s\'interroge même plus, ont déjà été oubliées. Après avoir été réduites à la déconfiture des subprimes (ces prêts hypothécaires américains généreusement distribués), à un coût trop bas de l’argent favorisant le crédit, ou encore aux insuffisances de la régulation financière. Mais ne faut-il pas reconnaître que la machine sophistiquée à fabriquer de la dette, qui fonctionnait à plein rendement, est détraquée et ne va pas retrouver son rendement ? Comment, dans ces conditions, soutenir la consommation, ce contributeur majeur de la croissance économique (70% du PIB américain), si l’endettement permettait de suppléer la distribution inégale de la richesse ? La crise de la mondialisation s’est manifestée autrement. Ayant abouti au basculement de l’axe économique de la planète, celle-ci a reposé sur une division des tâches qui se poursuit sur sa lancée et repose sur des principes élémentaires : aux pays à bas niveau de salaire la production des marchandises (et de certains services), aux développés le bénéfice de leur consommation, grâce au levier d\'un crédit dont l\'apport à la croissance ne cessait de progresser. Or ce modèle a été déséquilibré quand la montagne de dettes accumulées n’a plus été étayée par des montages financiers atteignant leurs limites et ne pouvant plus les supporter. Une gigantesque crise d’insolvabilité est alors brutalement apparue, qui a longuement été présentée comme une crise de liquidité. En Chine, un grand débat est ouvert à propos du changement de modèle de développement pour s\'appuyer sur le marché intérieur. Qui, en Occident, va supporter et comment le poids du désendettement, et combien de temps cela va-t-il durer, sont des questions toujours en pointillés. La détérioration accélérée de l’environnement et la perspective de pénuries de certaines ressources - matières premières, mais aussi terres cultivables et eau - ne peuvent plus être ignorées; impossible de continuer à longtemps biaiser avec elles. Le partage de ces ressources est l\'un des grands enjeux de demain, l’entrée en jeu des pays émergents accélérant les échéances. Tout se combine donc et rend les recettes classiques de la relance inopérantes. En dépit de la diversité de ses manifestations, la crise est unique : c’est celle d’un système parvenu à son apogée. Elle appelle une réflexion dérangeante sur la redéfinition et le partage de la richesse, sur les modèles de développement et de mondialisation, sur l’accroissement des inégalités sociales qui se poursuit, et sur l\'obstacle au développement qu\'elles représentent. Au final, sur la capacité du marché à être le maître d’oeuvre de l\'activité financière et économique, conduisant à préconiser sa reprise en main. Le projet d’une extension de la démocratie politique à l’activité économique pourrait prendre corps, sans conduire à une économie administrée ou sombrer dans la professionnalisation comme l’action politique. Décidément, l\'économie est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux mains des seuls économistes… 
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.