Niall Ferguson, historien, professeur à Harvard (*) La Chine a-t-elle les moyens de surpasser les états-Unis en tant que superpuissance ? La Chine pourra coiffer les états-Unis en termes de PIB vers les années 2030. Toutefois, Pékin est loin derrière Washington sur le terrain militaire. à cela s'ajoutent des problèmes d'ordre démographique et écologique qui pourraient freiner le pays après cette date. Passerait-on d'un « empire » à un autre, ou s'agit-il d'une évolution différente, états-Unis et Chine travaillant ensemble ? L'Histoire contient plus de conflits que d'harmonie quand émerge un pays qui ensuite dépasse une puissance installée. Le modèle le plus inquiétant est l'Angleterre et l'Allemagne d'il y a cent ans, la montée en puissance économique rapide de l'Allemagne ayant donné lieu à deux guerres. La question est de savoir quelles sont les ambitions impériales de la Chine dans son arrière-cour. Pour l'heure, les Chinois semblent se satisfaire d'un partenariat d'égal à égal avec Washington. Qu'est-ce que cela signifie pour l'Europe ? Sera-t-elle marginalisée, le G2 prenant toute les décisions ? L'Union européenne sera marginalisée tant qu'elle se comportera sur la scène mondiale comme une confédération faible de partenaires qui se disputent et sans politique étrangère cohérente. Quels sont vos critères pour définir une superpuissance ? N'importe quel grand pays a le potentiel pour devenir une puissance mondiale. Mais quelques-uns seulement traduisent leurs ressources démographiques et l'étendue de leur territoire en richesse, et ils sont encore moins nombreux à traduire cette richesse en puissance militaire significative et en « soft power », influençant la diplomatie et ayant un impact culturel. Le fait que la démocratie ne semble pas faire partie du modèle chinois vous chagrine-t-il ? Il est trop tôt pour se décourager. Nous avons déjà vu des régimes autoritaires croître rapidement et des démocraties stagner. La Chine est juste un Singapour ou une Corée du Sud géante, avant que la démocratie n'y ait été instaurée. La Chine a largement le temps d'avoir des problèmes, car la croissance rapide entraîne une demande de représentation politique et d'état de droit. Le système chinois sera sans doute très différent dans trente ans, même si je m'attends surtout à plus de démocratie dans le parti communiste plutôt qu'à un multipartisme. Propos recueillis par L. J. B. (*) Auteur de « L'Irrésistible Ascension de l'argent. De Babylone à Wall Street ». éditions Saint Simon (novembre 2009).

latribune.fr

16 Nov 2009, 1:45

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