Chagall, de Grenoble à Paris

Marc Chagall (1887-1985) est sans doute l'un des coloristes les plus brillants de son siècle. L'artiste ne se rattache à aucune école, aucune des avant-gardes qui marqueront le premier quart du XXe siècle. Nourri de son propre « folklore » selon ses termes, Chagall évolue en marge, sans pour autant être marginal parmi ses contemporains. C'est ce que veut montrer l'exposition « Chagall et l'avant-garde russe », au musée de Grenoble.Cet événement « Pompidou hors les murs » (tous les tableaux viennent de Beaubourg) est d'envergure. Réunissant plus de 150 oeuvres réalisées entre 1910 et 1922, il donne à voir l'émulation entre les artistes russes installés à Paris (tel le sculpteur Lipchitz), résidant en Allemagne (comme Kandinsky qui exécute alors « Impression III », un des chefs-d'oeuvre de l'exposition), ou restés en Russie à l'image de Kazimir Malevitch et son « Croix noire sur fond blanc » si provocateur en 1915. Mais à vouloir montrer toutes les avant-gardes, du Blaue Reiter au futurisme, en passant par le suprématisme et le constructivisme, on y perd de vue Chagall.Passé à Paris, l'artiste revient en Russie en 1914, à l'aube de la Première Guerre, et reste bloqué là-bas jusqu'en 1922. Dans son pays natal, il renoue avec ses racines juives : une très belle toile, « les Portes du cimetière », illustre l'intérêt du peintre pour le cubisme, et l'espoir que la communauté juive de Russie mettait alors en la révolution bolchevique. Mais Chagall déchante face à la montée de l'art abstrait, qu'il refuse. À Paris, au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme, on le retrouve dans l'exposition « Chagall et la Bible ». Ici, le peintre, avec une liberté étonnante, illustre la Bible hébraïque pour une édition parue chez Tériade en 1956. Soit une centaine de planches gravées à l'eau-forte issues d'un processus de création long de plus de vingt-six ans. Chagall propose sa vision de l'Ancien Testament : postures et gestes confèrent aux personnages bibliques une intensité étonnante, une vivacité que les rehauts de couleurs mettent en lumière. À l'étage du musée, ses peintures bibliques s'exposent et frappent par leur intensité. Ainsi de « la Crucifixion en jaune » : Jésus devient l'image même du martyr juif, la fuite en Égypte l'exil forcé face aux pogroms. La couleur éclate, les détails surgissent après le premier coup d'oeil.Chagall décore des temples protestants, des églises catholiques, il participe au renouveau de l'art sacré des années 1950 et 1960. Toujours avec la volonté de se conformer aux préceptes hébraïques tout en s'ouvrant aux autres religions du Livre : il ne peindra jamais de saints chrétiens. Le décor devient alors un lieu de dialogue lumineux et d'oecuménisme coloré. « Chagall et l'avant-garde russe » au musée de Grenoble, jusqu'au 13 juin. www.chagall-grenoble.com « Chagall et la Bible » au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme, Paris IIIe, jusqu'au 5 juin. www.mahj.org
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