Chronique de la City : fin de l'idylle entre les financiers et les travaillistes

Les crevettes ne sont plus au rendez-vous. Voilà treize ans, juste avant que Tony Blair ne devienne premier ministre, les travaillistes avaient mené une vaste offensive de charme envers la City. Cassant leur image populaire de « bière et sandwich » venant de leurs soutiens syndicalistes, ils avaient multiplié les cocktails avec des canapés aux crevettes...Treize ans plus tard, l'amour est rompu. Gordon Brown, après avoir mis en place une taxe sur les bonus des banquiers, puis un impôt sur le revenu de 50% sur les plus riches (au-delà d'un revenu annuel de 170000 euros), n'est plus reçu à bras ouverts à la City. Certes, il a sauvé les banques. Mais il a perdu la confiance patiemment mise en place au cours de la décennie précédente.Rebond attendu des marchés actionsLes gérants de hedge funds de Mayfair et les banquiers d'affaires du Square Mile reviennent donc sur leurs terres naturelles, celles des Tories. Sans enthousiasme, certes. David Cameron, accusé d'être trop « posh » (chic, cossu), fait tout pour éviter d'être proches des banquiers. Son euroscepticisme affiché fait également peur aux financiers qui redoutent que son dédain vis-à-vis de Bruxelles le rende peu efficace dans la défense des intérêts britanniques.Malgré ces inquiétudes, la City ne s'y trompe pas. Le leader des conservateurs est fils, petit-fils et arrière petit-fils de courtier (tous étaient partenaires à Panmure Gordon). Boris Johnson, maire de Londres et conservateur le plus connu du grand public, est le seul politicien à oser encore s'opposer publiquement à l'impôt sur les plus riches. Et en coulisses, les négociations avancent : selon le Sunday Times, les Tories sont en négociations avec au moins cinq patrons d'entreprises du FTSE 100 pour que ceux-ci viennent travailler à leurs côtés.Absence de majorité absolueAlors, les financiers de la City s'inventent des arguments en faveur des Tories. Les analystes de Deutsche Bank sont de ceux-là. Selon eux, une victoire de David Cameron apporterait un rebond des actions. Ils estiment que sa volonté de réduire le déficit dès cette année ne risque pas de faire dérailler la reprise économique, au contraire : « avec une consolidation fiscale pré-emptive, les taux d'intérêts seront maintenus à bas niveau plus longtemps par la banque d'Angleterre. »Ils avertissent certes des risques d'une hausse de la TVA (les conservateurs ne se sont pas exprimés sur le sujet mais sont soupçonnés d'y réfléchir sérieusement), mais pensent que le risque est limité.Les analystes de Nomura sont un peu plus subtils dans leur analyse, mais cela revient au même. Selon eux, les marchés ne veulent pas d'un « hung parliament » (absence de majorité absolue). « L'inévitable incertitude sur la composition et la pérennité du gouvernement serait telle que les marchés verraient cela négativement, au moins au début. » Or les travaillistes n'ont pratiquement aucune chance de remporter une majorité absolue (ils sont trois à dix points derrières les conservateurs actuellement). L'instinct politique de la City, après une parenthèse « New Labour », aura repris le dessus.
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