Alain Lamassoure : « Avec une telle dette, nous sommes en 1946 »

STRONG>Les États européens sont-ils capables de faire les efforts budgétaires considérables que le retour à l'équilibre imposerait ? C'est possible, pourvu que l'on n'entre pas dans un « chacun pour soi » qui serait dévastateur. Il faut que les états utilisent l'Europe, qui est aussi un levier d'économies. Un exemple : nous discutons des moyens du futur service d'action extérieur, qui sera sous l'autorité de Catherine Ashton. Les états renâclent, prétextant la contrainte budgétaire. Si ce futur service commun se substitue au moins en partie aux 27 diplomaties nationales, c'est une source d'économie ! La mutualisation nous permet de rationaliser nos dépenses. Cela vaut aussi pour la défense. Au total, nous avons deux millions de personnes sous les drapeaux, dont seule une petite fraction peut combattre. Il y a des doubles emplois considérables. On peut aussi sortir de la crise par le haut.Est-ce à la mesure du problème ? Non, il faudra aussi des coupes dans les dépenses proprement nationales. Tous les états européens savent que leurs finances publiques sont ruinées. La dette que laisse la crise ressemble à celle qu'avait laissée la guerre, nous sommes en 1946 ! Et elle s'ajoute à une situation déjà passablement dégradée. Voilà longtemps que l'Europe vit au-dessus de ses moyens. Elle va devoir s'imposer une rigueur comme on n'en a pas connu depuis longtemps. Nous allons devoir diminuer notre niveau de vie.Les gouvernements peuvent-ils imposer un pareil effort en démocratie ? On voit que les coalitions sont mises à l'épreuve en Allemagne, en Italie. En France, la majorité est divisée...Si on ne le fait pas et si on ne le fait pas ensemble, ce sera le protectionnisme qui aura raison de l'Europe. Non pas le protectionnisme commercial ou monétaire, mais politique, avec la montée des antagonismes entre les pays. Regardez la rapidité avec laquelle le climat s'est détérioré entre la Grèce et l'Allemagne ! On n'avait jamais vu cela depuis le traité de Rome, il y a plus de cinquante ans. Le retour du « chacun pour soi » aurait des conséquences politiques et sociales dévastatrices.Les pays qui sont parvenus à réduire leur déficit ont souvent été aidés par une dévaluation. Cela n'est pas possible en Europe. Si, c'est ce qui se produit avec la baisse de l'euro, et c'est une bonne chose. La baisse de l'euro est une bonne nouvelle pour l'Europe. Du reste, le Royaume-Uni a aussi vu sa devise chuter de 25% depuis la crise. Et cela l'a aidé de façon substantielle.Le plan européen décidé pour sauver la Grèce va-t-il enfin être mis en oeuvre ? On va aider la Grèce, c'est sûr. Et pour être crédible, il faut agir vite. Ce n'est pas la Grèce elle-même qui est en cause, mais le risque de contagion à d'autres pays fragiles. Plus on tarde, plus ce risque grandit. Athènes est notre dernière ligne de défense face aux marchés. Si elle cède, ce sera beaucoup plus difficile et plus coûteux de sauver les autres. Comprenez-vous les réticences allemandes ? Ce que je ne m'explique pas, c'est que l'Allemagne ait mobilisé trois ou quatre fois plus d'argent pour sauver ses banques, des entreprises privées, coupables de mauvaise gestion. Il y a là un paradoxe. Cela étant, Berlin devrait retrouver des coudées franches début mai, après les élections régionales de Rhénanie-Westphalie, qui est un land-clé. A lui seul, il représente une population aussi grande que celle de l'ex-RDA. C'est donc une échéance politique très importante pour Angela Merkel, ce qui explique sa prudence sur l'engagement de l'État fédéral pour aider la Grèce, très impopulaire.
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