Herman Van Rompuy, un sage zen à la tête de l'Europe

La passion d'Herman Van Rompuy pour les haïkus (littéralement le "vers ludique"), ces brefs poèmes japonais sans rime, résume bien le personnage. Selon le président du Conseil européen : « Un poète haïku, ne peut être ni extravagant, ni totalement vain, ni extrémiste ». C'est donc avec son habituelle réserve qu'il a présenté, cette semaine à Bruxelles, son premier recueil de haïkus devant un parterre de journalistes venus en nombre, intrigués par cette passion qui constitue la seule excentricité de l'ancien chef de gouvernement belge. Il a tenu à rappeler que l'édition de ce petit livre n'était pas de son initiative : « Certains diront que je prétends, ici aussi, que d'autres me l'ont demandé, tout comme ce fut le cas pour le poste de Premier ministre et de Président du Conseil européen. Et pourtant, c'est la vérité. » Une découverte La courte visite d'Herman Van Rompuy cette semaine à Washington, où il a notamment rencontré pour la première fois le président américain Barack Obama, lui a inspiré un poème : « Absent deux jours, un monde qui a changé, le verger en fleurs. » Herman Van Rompuy a découvert les haïkus en 2004 et dit ne s'être « plus arrêté » d'en écrire depuis, « jamais de manière obsessionnelle ou passionnelle, toujours avec envie. » Il les écrit en flamand, sa langue maternelle et en publie certains sur son blog. Ses aventures européennes l'inspirent : il lui arrive de réciter des poèmes en pleine conférence de presse, à l'issue de réunions. Ses mésaventures aussi : le haïku « Oiseaux en concert, un surélève son chant, j'ignore son nom » ferait allusion à l'attaque d'un eurodéputé eurosceptique britannique qui l'avait qualifié « d'inconnu », avec le « charisme d'une serpillière humide et l'apparence d'un petit employé de banque ». Goût très révélateurPour l'eurodéputée belge Isabelle Durant, ce goût d'Herman Van Rompuy pour les haïkus est « très révélateur » et « traduit une certaine sagesse ». « Le rock n'roll ou les défilés de mode, c'est pas son genre », poursuit-elle. Le président du Conseil européen a conscience d'être « le seul poète parmi les 27 dirigeants de l'UE ». « Mais j'espère que l'on ne se rappellera pas de moi juste comme un poète », a-t-il déclaré avec humour lors de la présentation de son livre. A priori, le monde méditatif de la poésie semble à mille lieues du monde de la politique, notamment à l'époque de la toute puissance de la communication globale, et du culte de l'immédiateté. A ce sujet, comme le résume Herman Van Rompuy, citant son compatriote l'écrivain Hugo Claus : "On parle continuellement et est-il question de mots?" Pourtant, le recours à la puissance symbolique de la poésie, et de la littérature en général, n'est pas sans attirer le dirigeant politique. Il s'agit là d'un vestige d'une tradition où l'art de gouverner passait aussi par la maîtrise de la réthorique, issue des Humanités. C'est dans cette tradition que s'inscrit par exemple l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, tout le contraire de Nicolas Sarkozy, notre actuel président, qui a pu se rendre compte des effets produits quand il moqua il y a quelques années l'utilité de lire "La Princesse de Clèves". Diplomates poètesToutefois, la poésie peut être un véritable viatique pour certains. Le président américain Bill Clinton est capable de réciter des pages entières de William Faulkner, pas vraiment un poète mais dont le style n'est pas sans rappeller la scansion des textes des prophètes. Le président de la république Georges Pompidou, agrégé de grammaire, normalien, lisait, paraît-il, quotidiennement quelques vers. Cet amoureux des rimes a publié une "Anthologie de la poésie française", toujours disponible, qui reste une référence. Son ami Leopold Sédar Senghor fut président de la république du Sénégal et poète de la négritude, et le poète Aimé Césaire resta des décennies maire de Fort de France. Mais c'est surtout du côté de la diplomatie que l'on rencontre des poètes majeurs, comme si le vogage et le dépaysement s'exprimaient mieux par la brièveté essentielle du poème. En France, on compte Saint-John Perse et Paul Claudel, ailleurs, le chilien Pablo Neruda ou le mexicain Octavio Paz, qui fut prix Nobel de la littérature en 1990.
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