« Une fiscalité européenne, ce n'est pas forcément un scandale »

La dernière Conférence européenne des villes durables s'est tenue à Séville il y a trois ans. Depuis, on a connu une crise sans précédent. Les régions, les villes et les États ont-ils encore les moyens de leurs ambitions ?Vaste question. En tant que responsable national impliqué à l'échelle européenne avec le Comité des régions, je constate que tout le monde est au moins d'accord sur un point : on ne pourra parvenir à répondre aux exigences de la lutte contre le réchauffement climatique sans impliquer les collectivités locales. Je souhaiterais personnellement que nous soyons impliqués beaucoup plus en amont, d'où l'importance des rencontres comme celle que nous organisons à Dunkerque. On ne peut diminuer la place de l'automobile, régler le problème de l'étalement urbain ni envisager une réforme des logements sans les collectivités territoriales, qui mettent en oeuvre 60 % à 70 % des mesures édictées au niveau national ou international. Les collectivités doivent être parties prenantes. En auront-elles les moyens ? C'est un vrai débat. Tout en sachant que les efforts en matière de développement durable génèrent, à terme, des économies de fonctionnement. Le problème, c'est qu'investir pour économiser ensuite, ce n'est pas toujours facile. Dans notre pays, la réforme des collectivités locales et de la fiscalité va plutôt à contresens.Faire reconnaître officiellement le rôle incontournable des collectivités locales sur ces sujets figure dans la déclaration que vous allez proposer lors de cette Conférence. Vous voulez débloquer des fonds européens dédiés ?Ce serait souhaitable. Le combat que mène le Comité des régions, c'est d'obtenir que, dans le prochain budget de l'Union européenne, le fléchage sur les objectifs du développement durable bénéficie d'un soutien des fonds européens. L'exemple américain est éloquent. Malgré la gestion de Bush et son refus de Kyoto, plus de mille collectivités territoriales nord-américaines, États ou villes, sont engagées dans des stratégies de développement durable. Toutes ont pris des décisions contraires à la position du gouvernement fédéral. Même sans énormément de moyens, la volonté des collectivités locales de faire des économies les pousse vers le développement durable.Que pensiez-vous de la taxe carbone ? Était-ce une mauvaise idée ?J'y suis favorable, mais plutôt au niveau européen. Ce n'est pas une formule inintelligente.Mais qui la lèverait ? Bruxelles ? Un jour, on pourra y réfléchir. Une fiscalité européenne, ce n'est pas forcément un scandale. Moi, je gère une grande agglomération industrielle et énergétique au coeur de l'Europe, limitrophe d'une frontière. Au bout de ma communauté urbaine, c'est la Belgique. Les fumées et les nuisances se battent les flancs des frontières.Que pensez-vous du Grenelle 2 ?Jean-Louis Borloo crie « cocorico ». Mais, moi, dans le Grenelle 2, je ne vois pas de financement. C'est mon souci principal. Pendant dix ans, j'ai animé le mouvement HLM. La mise aux normes environnementales de ces logements constituerait un gisement très important d'économies d'énergie. Les rénover offrirait aussi du travail à de nombreuses PME, aux artisans, et ce, partout en France. Mais si on ne leur en donne pas les moyens, les organismes et les collectivités ne pourront pas se lancer dans la rénovation de ce patrimoine.Le plan d'urgence pour sauver l'euro a-t-il été un nouvel acte fondateur pour l'Europe ou un réflexe de survie qui ne préjuge en rien de l'avenir ?C'est un réflexe de survie qui conduit à un acte peut-être fondateur. Les premiers engagements qu'avaient pris les États européens pour sauver la Grèce étaient chiches, mais désormais les volumes d'intervention sont comparables à ce qu'ont mis les États-Unis pour la gestion de leur propre crise. La Banque centrale européenne a été obligée d'évoluer, de même que l'Europe puisqu'elle pourra racheter de la dette nationale, ce qu'elle n'avait jamais fait jusqu'alors. On a fait un pas de plus vers une gouvernance européenne, je ne peux pas être contre. La contrepartie, ce sont des régimes d'austérité...Qu'il y ait une gestion plus saine, une rigueur plus grande dans un certain nombre de pays, ce n'est pas forcément stupide. Mais attention, si l'opinion publique en déduit que l'Europe c'est ça, il ne faudra pas se plaindre des résultats aux prochaines élections européennes.Cette crise offre-t-elle à la gauche des arguments pour faire adhérer l'opinion publique à ses valeurs ?Tout parti au pouvoir subit la lassitude et donne le sentiment de ne pas maîtriser une crise internationale qui le dépasse. Regardez ce qui s'est passé à la fois en Grande-Bretagne et dans le Land le plus peuplé d'Allemagne. Mais je suis content pour mes camarades du SPD qui mettent Mme Merkel dans l'embarras puisqu'elle perd sa majorité au Bundesrat.Elle a l'habitude des compromis avec le SPD. Ils ont gouverné ensemble. Dans un période comme celle que nous vivons, l'union nationale, cela vous semblerait incongru ?Nous n'avons pas la même culture que les Allemands. On ne va pas gouverner avec l'UMP ! En revanche, il y a des questions sur lesquelles les clivages n'ont peut-être pas lieu d'être. Prenons le débat sur les retraites. On ne va pas aller à hue et à dia tous les cinq ans. Je pense que sur des débats de fond, on peut, dans ce pays, trouver une très large majorité de gens qui sont d'accord. Cela ne veut pas dire que nous allons gouverner ensemble avec l'UMP. Cela veut dire quoi, alors ?Plus le climat international sera difficile, plus les pays devront conduire des politiques qui ne changent pas en permanence. Et, sur un certain nombre de choix, il n'est pas scandaleux de penser qu'il y a des gens qui peuvent se retrouver.
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