Une tisane pour la France

Dire la vérité aux Français, c'est leur dire que la crise actuelle aura des conséquences dans les mois qui viennent sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d'achat », pronostiquait Nicolas Sarkozy, à Toulon, le 25 septembre 2008, dans un discours marqueur de la crise financière. Il ne se trompait pas. Deux ans plus tard, le portrait social du pays que dresse l'Insee dessine les contours d'une France abîmée. Pouvoir d'achat en berne, jeunesse guettée par l'exclusion, croissance qui se dérobe : les désirs de rupture se sont fracassés sur les rochers aiguisés de la crise, remplacés par le doute et la fatigue. Sur les écrans télévisés, le maître de l'Élysée tente une nouvelle fois de faire renaître la flamme du sarkozysme, défiant les mauvais sondages et la désillusion des abonnés aux fins de mois difficiles. Mais le G20 sonne creux, la précarité gagne du terrain, et le visage du nouveau gouvernement Fillon ne rime guère avec renouvellement. L'heure est à la sobriété, et les Français, après avoir avalé l'huile de ricin de la réforme des retraites, se voient proposer en guise de digestif une simple tisane. Dans ses nouveaux habits de père protecteur de la nation, Nicolas Sarkozy va donc s'employer au cours des dix-huit prochains mois à transformer son bouclier fiscal en bouclier social à destination des victimes de la crise, de ceux qui subissent les fluctuations erratiques des monnaies ou des éleveurs soumis au yo-yo des prix du lait ou du porc. Louable intention, dont le succès est certes loin d'être garanti, mais qui permet au probable futur candidat de l'UMP à l'élection présidentielle de 2012 d'« humaniser » son profil. Cette stratégie de l'édredon rassure sans faire rêver. Surtout, elle risque, si elle est poussée trop loin, de recroqueviller le pays sur lui-même. Et d'entretenir le flou sur la poursuite annoncée des réformes. Les Français sont à l'affût d'un grog réconfortant. Mais aussi d'une boisson vitaminée et pourquoi pas d'idées nouvelles... [email protected] Éric CholRédacteur en chef
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