« La situation du secteur financier demeure très fragile »

Mario Draghi, gouverneur de la Banque d'Italie, président du tout nouveau Conseil de stabilité financière, chargé par le G20 de surveiller un peu mieux les banques et les marchés financiers, n'est pas d'un naturel optimiste. Serait-il pour autant un rabat-joie ? Alors que Wall Street baigne dans une douce euphorie, que Jean-Claude Trichet confirme « une normalisation progressive de l'économie », que les ministres saluent la santé retrouvée du système bancaire et que les grandes banques internationales s'apprêtent à verser des bonus géants, cet homme respecté n'a pas hésité à mettre clairement en garde le monde de la finance. En marge d'une réunion de la Banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle, il a ainsi déclaré que « la situation est bien meilleure que nous pouvions l'espérer il y a un an », pour ajouter aussitôt qu'« elle n'est pas aussi bonne que semble l'estimer le march頻. Et de pointer du doigt le comportement à nouveau « risqu頻 des banques et la formation de nouvelles bulles spéculatives, notamment dans les pays émergents. Et de conclure par un sérieux appel à la prudence : « La situation du secteur financier demeure très fragile. » Déjà, en octobre dernier, Mario Draghi avait prévenu que « les choses ne devaient pas revenir comme avant ». Dans un contexte économique et financier bien incertain ? les nouvelles provisions de la Société Généralecute; Générale nous rappellent que les actifs toxiques n'appartiennent pas encore à l'histoire ?, ces propos n'ont rien d'anodins. Pour Paul Jorion, observateur avisé de la crise financière, ils peuvent témoigner d'« une certaine irritation des régulateurs européens à l'égard des autorités américaines prêtes à utiliser tous les leviers pour faire rebondir les marchés ». Mais ils traduisent également, selon l'auteur de « la Crise du capitalisme américain », un certain désarroi des régulateurs face à une « nouvelle crise qui se prépare » sans pouvoir agir. Car, toutes les banques centrales affirment haut et fort qu'elles ne reviendront pas sur leur politique de taux zéro, au nom de la reprise, alimentant ainsi une bulle financière dont elles s'inquiètent désormais, après avoir affirmé qu'elle n'existait pas ! Bref, elles sont prises à leur propre piège. Car, pour Éric Galiègue, stratège des marchés chez Valquant, « des signes de bulle commencent à apparaître » et l'inquiétude de Mario Draghi doit être prise « au sérieux ». La situation est même, pour Jean-Jacques Ohana, spécialiste des risques, « explosive ». Pour lui, le constat est sans appel : l'observation des marchés, à défaut d'indicateurs objectifs devenus sans objet, révèle clairement « des comportements spéculatifs et des prises de risque excessives de la part de tous les opérateurs ». Ce retour de la spéculation n'a pas que des défauts : il a permis de soutenir une timide reprise, mais qui repose « sur du sable mouvant ». D'où l'alerte lancée par Mario Draghi. Un coup de poing même sur la table. « Il existe un accord au sein du Conseil de stabilité financière », précise Georges Ugeux, banquier d'affaires à New York et ancien dirigeant du Nyse, « qui permet aux autorités de contrôle de s'opposer à des sorties de cash jugées excessives au regard des ratios prudentiels. À l'évidence, les régulateurs ont beaucoup de mal à accepter le principe de versement de bonus faramineux, alors même que le système bancaire n'est pas sorti d'affaire ». nanalyse Éric Benhamou Journaliste à « La Tribune »Chaque semaine, « La Tribune » décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.? l'intégralité des réactions, dont celles de Paul Jorion, éric Galiègue sur « La Tribune » numérique du samedi 16 janvier 2010.
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