Pourquoi la RATP rechigne à dévoiler ses secrets

Fuites à la RATP. Nombre de suicides, de voyageurs blessés, de violences contre les agents, mais aussi vitesse des trains ou encore accessibilité des stations aux handicapés... des jeux de données relatives au fonctionnement de la Régie autonome des transports parisiens sont visibles en ligne depuis le 11 mars. Le site spécialisé dans l\'édition de données, Data Publica, s\'est chargé de les publier. Il s\'agissait d\'\"un petit geste un peu militant\", défend François Bancilhon, le patron de la start-up. \"En tant que citoyen, la RATP, c\'est un peu nous, c\'est un peu tout le monde\", ajoute-t-il, justifiant sa démarche par une volonté d\'accélérer la publication de données déjà entamée par l\'établissement public.Changement de route en août 2012En effet, en août 2012, après avoir longtemps lutté contre l\'utilisation de ses informations, notamment cartographiques, la RATP lançait une page visant à rendre publiques certaines données comme ses précieux plans de lignes.>> Open Data: La RATP ouvre l\'accès au plan du métroMais, aux yeux du chef d\'entreprise, \"il n\'y a pas grand-chose sur ce site\" et les informations n\'y seraient pas suffisamment bien mises en avant. L\'opportunité était belle, une fois obtenues des données d\'habitude non divulguées, de \"montrer ce que [l\'entreprise sait] faire pour mettre en forme des données\".\"Incident voyageur\"Ce coup de projecteur sur des statistiques normalement conservées en interne, la RATP, sans s\'en offusquer frontalement, ne le voit pas d\'un très bon œil. \"Il y a des informations sur lesquelles il ne nous appartient pas de communiquer. Sur les suicides par exemple, c\'est plutôt à la préfecture de communiquer sur ce sujet car ce n\'est pas à la RATP de qualifier un \'suicide\', c\'est bien la raison pour laquelle nous préférons parler d\'incident voyageur\", réplique un porte-parole de l\'établissement.Maîtriser l\'informationSur des sujets moins sensibles, l\'établissement serait prêt à lever le voile. \"Si vous nous appelez pour demander à quelle vitesse vont les trains, on vous donnera l\'information\", précise ainsi le porte-parole. Surtout, il s\'agit de maîtriser les informations publiées. \"Nous savons que l\'information est une attente très forte de la part des voyageurs\", souligne-t-il.Et de détailler tous les nouveaux moyens d\'information mis à la disposition des usagers et qui \"permettent à la RATP d\'être dans la poche des voyageurs\". Notamment, depuis septembre grâce des fils d\'information sur Twitter dédiés à une dizaine de lignes de métro, tram et RER. Et une page dédiée sur le site internet intitulée RATP Scope, lancée le 26 février, où figurent des articles dans lesquels les \"coulisses\" de chaque incident sont racontées. Histoire de comprendre pourquoi l\'attente fut si longue à telle station ou comment les services de maintenance gèrent les lignes pour éviter que les caténaires ne gèlent par temps de grand froid.A cet égard, l\'épisode neigeux des 12 et 13 mars a servi de test. Le site de la RATP a connu un record d\'audience avec un pic à 1 million de visiteurs le 12 mars, contre une moyenne de 300.000 en temps normal. Ce qui prouve bien la très forte attente du public en matière d\'information sur leur circuit quotidien.Lourdeurs administratives?Si, pour le porte-parole de la Régie, \"les données qui intéressent le grand public sont déjà largement accessibles par ailleurs\", cet avis est loin d\'être partagé.  Les informations relatives aux horaires en temps réel des métros, train ou trams, ne sont toujours pas en ligne sur la page \"Open data\" de la RATP. Les responsables de la plateforme se sont même fendus d\'une justification sommaire dans la section \"foire aux questions\" pour expliquer ce retard : \"Actuellement, dans le cadre de la démarche open data, nous réfléchissons à l\'opportunité d\'une ouverture de nos horaires en temps réel.\" De vive voix, le discours reste le même. \"Dans une entreprise comme la RATP, c\'est une démarche qui doit être concertée\", répond-on.Un sujet de grogne même en interneOr, un certain manque de transparence agace même en interne. En septembre dernier, la direction de l\'analyse et des études économiques de la RATP publiait un long article sur la publication des données dans son trimestriel Connexion, destiné en priorité aux agents de l\'établissement mais publié en ligne. Il y était notamment écrit: \"Cette exigence de transparence ne devrait-elle pas s\'imposer également à l\'entreprise pour toucher les associations d\'usagers comme les institutions représentatives du personnel ?\"Michel Venon, président de la commission économique de la RATP confie son agacement à La Tribune. \"En interne, les démarches d\'ouverture sont insuffisantes depuis plusieurs années\", affirme-t-il. \"Nous avons récemment constitué un groupe de travail pour réaliser un tableau de bord rassemblant des données sur les effectifs, les recettes, le trafic, la qualité du service...Nous avons fait des demandes il y a trois mois mais nous n\'avons toujours pas obtenu de réponse\", explique l\'élu.Et si, en l\'occurence, la direction de la RATP se défend en affirmant qu\'elle doit d\'abord attendre un accord national interprofessionnel, les blocages seraient en fait bien plus anciens. \"Cela fait quatre ans que je suis élu à la tête de la commission économique et trois ans et demi que l\'on a plus de données\", regrette-t-il.\"Un éco-système vertueux\"Mais pourquoi, même en externe, la RATP rechigne-t-elle à publier certaines informations ? Pour le président de la commission économique de la Régie, il s\'agit de protéger des informations stratégiques dans le cadre d\'une concurrence\" avec d\'autres opérateurs comme Veolia mais aussi vis-à-vis des sous-traitants\" .\"Dans ce cas c\'est une démarche que je suis susceptible de comprendre\", concède-t-il.Pour mémoire, même si, à Paris, les transports publics relèvent exclusivement de la RATP, la Régie, via ses filiales, est en concurrence avec d\'autres entreprises pour des appels d\'offres, notamment à l\'étranger. D\'où, peut-être, des réticences à publier des informations sur la vitesse des trains par exemple.Une position que le héraut de l\'open data, François Bancilhon, ne comprends pas, qui juge qu\'il n\'y a aucune crainte à avoir. \"Les données valent de l\'or, reconnaît-il, mais elles n\'ont de valeur que si vous les sortez.\" A ses yeux, publier ces informations nourrirait un \"écosystème vertueux\" que d\'autres organisations publiques ou privées auraient tout intérêt à alimenter.
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