« Elle », une success-story qui dure

Soixante-cinq ans cette année et pas une ride. Joyau de Lagardèrerave;re Active, au point de faire « kiffer » son président, Didier Quillot, « Elle » bénéficie d'un statut particulier dans un groupe pourtant malmené ces derniers temps. Un statut privilégié qui doit beaucoup à sa directrice de la rédaction, Valérie Toranian, prête à défendre bec et ongles son magazine. Un plan de restructuration chez Lagardèrerave;re, qui échappe à la réduction des effectifs ? « Elle ». Un nouveau président de la République de droite et considéré comme « un frère » par le patron du groupe, Arnaud Lagardèrerave;re ? Pas question pour « Elle » de changer sa ligne éditoriale. Et ce n'est pas les coups de ciseaux dont ont été victimes « Paris Match » ou « Le Journal du dimanche » pour avoir écrit des articles peu amènes pour le locataire de l'Élysée qui vont faire plier Valérie Toranian. Certes, « Elle » n'est pas un magazine d'actualité. C'est un « féminin » qui accorde une large place à la mode et au glamour. Et c'est d'ailleurs plutôt de ce côté qu'il faut chercher les pressions. Il ne faut pas froisser l'annonceur, et de mémoire de lectrice, on n'a pas trouvé un article critiquant Bernard Arnault, patron tout-puissant de LVMH ou François Pinault. Magazine de société engagé, « Elle » milite quand même depuis sa création pour l'émancipation de la femme. N'en déplaise aux politiques. Le magazine, au travers d'éditos souvent corrosifs, prend régulièrement la plume pour soutenir le droit à l'avortement, les sans-papiers ou la laïcité. En novembre 2009, l'hebdomadaire a lancé les états généraux de la femme pour cerner « les préoccupations et les inquiétudes des femmes d'aujourd'hui » et dont la clôture vient de se tenir à Paris. Ce n'est pas un hasard si « Elle » est né l'année où les femmes ont obtenu le droit de vote...Alors « Elle » est-il étiqueté politiquement ? « C'est d'abord un journal de mode, de société et qui accompagne la femme », répond Valérie Toranian, qui insiste sur la « totale libert頻 dont jouit le magazine. À 47 ans, la dynamique directrice de la rédaction est tombée dans le bain quand elle était jeune journaliste. « Entrée par la petite porte » en tant que pigiste il y a plus de vingt ans, elle a gravi tous les échelons pour se voir confier en 2001 les rênes du journal. « Ce journal, c'est un vrai cadeau », insiste-elle. Et « pas question de s'endormir sur nos lauriers, la remise en question est permanente ». Avec succès, si on en croit les prix reçus par le titre (prix de la plus forte progression des ventes, prix du meilleur magazine féminin) et sa diffusion. Chaque semaine, plus de 370.000 exemplaires sont vendus, soit près de 2,3 millions de lecteurs, dont 1,7 million de femmes. Alors que la presse traverse une des plus graves crises de son histoire, le féminin de Lagardèrerave;re a réussi son pari, celui de faire progresser sa diffusion en 2009 (+ 3,7 %). Et 2010 se présente plutôt bien.Face à une arrivée massive de nouveaux concurrents, dans l'ordre « Grazia », chez Mondadori, « Envy », chez Marie Claire, et « Be », chez Lagardèrerave;re, « Elle » a décalé son jour de parution au vendredi et n'a pas hésité à baisser son prix de vente de 2,30 euros à 2 euros. Une première dans l'histoire du journal. « C'était une bonne décision », se réjouit Franck Espiasse, éditeur d'« Elle ». De fait, les ventes en kiosques ont bondi de 11 % depuis la baisse de prix avec en moyenne 25.000 exemplaires vendus en plus chaque semaine, alors que le groupe tablait sur une croissance de 10.000 exemplaires. Mais le titre a vu son chiffre d'affaires publicitaire chuter de 13 % l'an dernier pour un marché, temporise l'éditeur, en recul de 17 %. Et la direction a pris soin de ne pas toucher au prix de la page de publicité. « Notre stratégie de développement passe clairement par une croissance de la vente au numéro car le recrutement de nouveau abonnés est de plus en plus onéreux », explique Franck Espiasse. Sans compter des tarifs postaux, dont la hausse a dépassé les 30 % depuis cinq ans. À une nouvelle abonnée « chère, âgée et infidèle », « Elle » préfère recruter en kiosques une lectrice « jeune et dynamique ». Si la force d'« Elle » depuis sa création est d'être un magazine transgénérationnel, lu aussi bien par la grand-mère que par sa petite-fille, « ça s'entretient », souligne Valérie Toranian. En baissant son prix, le magazine, dont la lectrice est âgée en moyenne de 40 ans, vise clairement les moins de 35 ans qui pourraient être tentés par les derniers-nés de la presse féminine.Qui dit jeune génération dit Internet. Il a souvent été reproché au groupe Lagardèrerave;re d'avoir pris avec retard le train du numérique et de ne pas avoir su exploiter sur la Toile des marques aussi magiques comme celle que représente « Elle ». Un reproche que balaient aussitôt les dirigeants du féminin, pointant 1,6 million de visiteurs uniques chaque mois sur le site Elle.fr. Autre sujet d'actualité brûlant, l'arrivée imminente de l'iPad, la tablette d'Apple. « Nous avons commencé à travailler dessus et la version dédiée sera un pendant du magazine et payante », explique Franck Espiasse. Pour Valérie Toranian, la révolution technologique présente de vraies opportunités. « Certes, il faut trouver le modèle économique, mais être un magazine féminin et, qui plus est le leader, est une chance incroyable car le changement est toujours venu par des femmes. »Enfin, avec ses quarante-deux éditions internationales « Elle » est le magazine le plus décliné au monde. C'est grâce à « Elle », dont la première version a été lancée aux États-Unis en 1985, que le groupe Lagardèrerave;re (alors Hachette Filipacchi Médias) a démarré son internationalisation pour devenir un temps le premier groupe de presse magazine au monde. Il se vend ainsi, chaque mois, 6 millions d'exemplaires estampillés « Elle » (seule la version française est hebdomadaire) dans le monde pour 21 millions de lectrices. Malgré tout, le magazine n'est pas le plus rentable de Lagardèrerave;re Active, la place étant occupée par le magazine sur la sexualité « Union ». Mais il reste le principal contributeur de cash de Lagardèrerave;re Active. Selon certaines estimations, « Elle » pèserait 20 % du chiffre d'affaires du groupe.Sandrine BajosLancé en 1945, l'année où les femmes ont obtenu le droit de vote, le magazine édité par Lagardèrerave;re Active est toujours une référence dans le monde des « féminins ». Et la nouvelle concurrence ne semble pas écorner sa position de leader.
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