"Pas d'effet élections sur l'économie"

Avec maintenant suffisamment de données statistiques disponibles, on peut observer que les agents économiques auront paru insensibles à l\'élection présidentielle française. Comme lors des séquences électorales précédentes (voir ici), les indicateurs les plus volatiles - marchés actions, spread OAT-Bund, enquêtes de conjoncture sur le moral des ménages et des entreprises... - n\'auront fait montre d\'aucune réaction particulière pouvant être rattachée à l\'élection de 2012. Ni avant, ni après son résultat la variable « élection présidentielle française » n\'apparaît explicative, au sens économétrique, des variations de ces données. En particulier lorsqu\'on s\'intéresse à leurs évolutions relatives en France et dans l\'ensemble de la zone euro.Alors même que protagonistes et commentateurs dramatisaient, notamment sur les questions économiques, l\'enjeu de cette élection - « historique », « décisive »... -, tout se passe comme si la plupart des agents économiques concernés n\'avaient en fait conçu ni attente, ni crainte particulière autour de cette échéance électorale. L\'électeur peut être passionné et tranché, il relativise en tant qu\'agent économique.On peut le comprendre : les différences d\'approches sur les questions économiques entre partis de gouvernement, en France comme à l\'étranger, sont assez ténues, et pour partie de l\'ordre du symbolique. Le poids des contraintes externes et la force du « courant » conjoncturel, selon qu\'il est positif ou négatif, sont tellement supérieurs à la résultante de ces divergences qu\'elles les rendent presque insignifiantes pour la formation des opinions et des choix des agents économiques. Quand bien même les orientations des principaux prétendants pourraient leur sembler plus ou moins efficaces ou nocives, les acteurs de l\'économie n\'ont certainement qu\'une croyance limitée en leur mise en œuvre effective ou en leurs effets réels en cas de passage à l\'acte. A force d\'avoir entendu parler de ruptures ou de lendemains qui chantent, les agents, électeurs ou non, ont relativisé propos et promesses de campagne.Au-delà de ce détachement, ou pour l\'expliquer, il y a la perception d\'une faible autonomie des économies nationales, surtout de taille moyenne. Et d\'autant plus pour un pays de la zone euro, dont le sort semble moins dépendre de choix nationaux que d\'une gouvernance collective... elle-même pour le moins défaillante.Il faut bien sûr entourer de précautions ce constat d\'indifférence aux élections. Il est question ici d\'économie, pas des nombreux autres champs d\'action du politique, comme les sujets régaliens et sociétaux. L\'approche est macroéconomique, les réactions pouvant être très marquées pour certains secteurs ou entreprises objets de promesses... ou de mises en garde. Et surtout, il faut distinguer les réactions liées à une période électorale et à son issue des conséquences à moyen et long termes des politiques économiques. Tous les choix ne se valent pas. Une bonne gestion des finances publiques ou un endettement improductif massif, une réforme structurante ratée ou réussie pourront avoir des effets importants sur une économie et ses acteurs. Et il peut s\'agir de vrais choix - même si c\'est de plus en plus rare -, non d\'enchaînements mécaniques ou de décisions dictées par l\'environnement extérieur.Pour autant, il est difficile d\'appréhender l\'influence des politiques menées sur les performances observées à moyen ou long terme. La simple coïncidence entre santé de l\'économie et parti au pouvoir, mise en avant par différentes études, ne démontre naturellement aucune causalité : il faut à tout le moins faire le tri entre conjoncture et évolution structurelle. Et même en cas d\'impact avéré d\'une politique économique sur les performances d\'un pays, il sera souvent différé dans le temps. Les réformes menées en Allemagne entre 1999 et 2005 font ainsi l\'objet d\'un jugement favorable assez consensuel, alors que l\'économie allemande était plutôt à la traîne du reste de l\'Europe à cette période -la situation s\'étant inversée par la suite. Cette difficulté à attribuer mérites ou échecs se retrouve dans le débat public à chaque élection - quelle part de la situation attribuer au « bilan » des sortants ou de leurs prédécesseurs ? qui est responsable du niveau de la dette ? quels ont été les effets de long terme de telle réforme du marché du travail ?... Et cette confusion contribue à renforcer l\'apathie des agents économiques vis-à-vis d\'une élection.Deux éléments majeurs conditionnent enfin cette indifférence relative. D\'abord la capacité à traiter les affaires courantes, donc l\'existence d\'un système administratif suffisamment efficace pour fonctionner si nécessaire en mode « pilote automatique ». Ce qui fut par exemple manifeste lors de la longue période où la Belgique s\'est retrouvée sans gouvernement. Surtout, ce détachement ne vaut qu\'à l\'égard de partis dits modérés. L\'éventuelle victoire de mouvements plus radicaux bouleverse totalement ce cadre : le dimanche 17 juin, il y a ainsi fort à parier que les acteurs économiques seront largement plus préoccupés par le scrutin grec que par les législatives françaises. 
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