Télécoms : les consommateurs (un peu) sacrifiés sur l'autel de l'emploi

« En clair, c\'est la suppression de la loi Chatel contre des avancées sur l\'emploi » résume un cadre d\'opérateur, quelques heures après la réunion sur les télécoms convoquée à Bercy mardi matin par Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, et la ministre déléguée à l\'Economie numérique, Fleur Pellerin. Aucune mesure n\'a été annoncée à l\'issue de la réunion matinale mais la direction a été tracée : « il faut détricoter la loi sur la consommation et inciter l\'investissement ». Les ministres ont prévu de revoir les opérateurs « assez vite », avant la fin du mois de juillet, et d\'étudier alors leurs propositions. Ce mardi matin, Arnaud Montebourg a fait valoir qu\'on « ne comprendrait pas qu\'on licencie dans un secteur qui gagne encore de l\'argent » et leur a demandé en substance « que faire pour que vous ne licenciez pas », rapporte un participant. Alors que Bouygues Telecom et SFR ont annoncé des plans de départs volontaires, la solution envisagée pour l\'instant est de « travailler sur la loi Chatel », honnie par la plupart des opérateurs. « Dès la rentrée, le gouvernement présentera un train de mesures qui permettra d\'éviter la casse sociale et de relancer les investissements, de réconcilier l\'intérêt des consommateurs et celui des salariés » a annoncé Fleur Pellerin mardi après-midi à l\'Assemblée nationale lors de la séance des questions au gouvernement.La fin de l\'« aberration » de la résiliation anticipée La fameuse loi Chatel avait essayé de s\'attaquer au « verrouillage » des abonnés, souvent dénoncé par les associations de consommateurs, en permettant à ceux-ci de résilier par anticipation leur contrat de deux ans dès la fin du douzième mois en ne payant que 25% du montant restant dû. De quoi rendre le marché un peu plus fluide et le client moins fidèle. Problème : les opérateurs pouvaient se retrouver perdants sur des abonnements vendus avec des téléphones haut de gamme fortement subventionnés et dénonçaient les comportements calculateurs de certains clients profitant du système. « Cette capacité de sortir à bon compte avant la fin de l\'engagement est une aberration, il faut rétablir une situation équitable par rapport aux autres secteurs » explique un dirigeant d\'opérateur. La chose semble entendue même si les associations de consommateurs, qui seront reçues prochainement à Bercy, auront leur mot à dire. « Une phase de concertation s\'engage désormais », à laquelle l\'Arcep, le régulateur des télécoms, sera également associé, ont annoncé les ministres dans un communiqué conjoint mardi soir.Le come-back des hotlines surtaxées à 20 centimes « Il a été longuement question des centres d\'appel » selon un participant à la réunion ce mardi matin. Le ministre du Redressement productif a réitéré son souhait de voir cette activité, en partie « offshorisée» au Maghreb, relocalisée en France. La piste du retour des hotlines payantes est plus que jamais à l\'étude, selon deux schémas : soit une partie des services deviendra payante (hotline premium), soit la ligne d\'assistance téléphonique deviendra « très légèrement payante, entre 10 et 30 centimes d\'euros la minute » décrypte un opérateur. « Une hotline de qualité, en France, c\'est une ligne de coûts importante, de l\'ordre de 2 euros par abonné et par mois » affirme un autre. Ce serait plutôt de l\'ordre de 1 euro par mois par abonné, selon une estimation récente des analystes d\'Oddo. Pour autant, les acteurs du secteur reconnaissent eux-mêmes que la hotline payante ne leur rapportera que quelques millions de chiffre d\'affaires en plus et que le détricotage de la loi Chatel ne règle pas les problèmes de fond. L\'un d\'eux résume « ce n\'est pas en supprimant certaines aberrations de la loi Chatel que l\'on change l\'équation économique de Bouygues Telecom, qui affirme qu\'il perd de l\'argent désormais, qu\'il est en cash flow négatif. »Free sur le banc des accusés Bercy a dit vouloir étudier « toutes les pistes qui sont bonnes pour l\'emploi » prolonge un opérateur. Devant l\'Assemblée, Fleur Pellerin a déclaré que « le gouvernement ne tolérera pas que ce secteur détruise ou délocalise des emplois. » Elle a aussi déploré que « l\'arrivée sur le marché du quatrième opérateur de téléphonie mobile a été gérée par le précédent gouvernement sans aucune réflexion sur ses conséquences en matière d\'emploi. » Lors de la réunion mardi matin, les dirigeants d\'Iliad, la maison-mère de Free, qui recrute pourtant, étaient un peu en position d\'accusés. Très virulent sur l\'Arcep, « Martin Bouygues a essayé de pousser sa thèse sur le contrat d\'itinérance [conclu entre Orange et Free], demandant aux pouvoirs publics d\'intervenir pour qu\'il ne soit pas prolongé, mais c\'est un contrat de droit privé sur lequel le gouvernement ne peut intervenir » rapporte un participant. Free s\'est défendu sur ses investissements dans le mobile, expliquant qu\'il dépensait « moins que ses concurrents en s\'y prenant mieux. » Le train de mesures que le gouvernement prépare devra aussi « relancer l\'investissement », en particulier dans la fibre et la 4G. Mais curieusement, si « la situation économique et sociale difficile du secteur » et la filière sont évoquées par les ministres, les équipementiers télécoms, en particulier le dernier grand français, Alcatel-Lucent, qui s\'enfonce dans la crise, semblent les grands absents du débat.  
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