L'éditorial de François Lenglet

Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Les régimes spéciaux, qui avaient fait chuter le gouvernement en 1995, avaient été déminés. Les grands syndicats, CFDT et CGT, étaient d'accord sur la finalité de la réforme des retraites, sinon sur ses modalités. Les Français étaient supposés devenir raisonnables, à force d'avoir été bombardés de rapports et de chiffres de déficits saisissants. La « pédagogie » devait faire son oeuvre silencieuse et bienfaisante. L'été devait tempérer l'ardeur des manifestations, le texte était quasiment adopté, les dernières concessions devaient emporter les ultimes réticences. Rien à faire. Ce lundi matin, tout le folklore du grand bazar social français se déploie : stations-service fermées, transports perturbés, lycées en grève, menace de blocage routier. Cette fois-ci pourtant, ce n'est pas la France publique qui gronde, mais la France tout court. Et cela alors que les centrales syndicales semblent n'avoir qu'une envie, replier les gaules. Il se joue, dans ce mouvement, bien autre chose que la contestation d'une réforme qui n'a rien de cruel : la fatigue sociale de la crise, l'inquiétude des classes moyennes sur l'avenir d'un pays endetté et pris de vitesse et, plus encore, un sentiment d'injustice que le gouvernement n'a pas réussi à éteindre. L'affaire Woerth-Bettencourt, les cigares ministériels, les voyages à grands frais, le bouclier fiscal, et même le jugement Kerviel ont entretenu ce climat délétère. Les Français sont indisposés par le bruit que font les puissants en festoyant. Même les dénégations sur la pénurie d'essence renforcent l'idée que les ministres échappent aux contrariétés des simples mortels. Les paroles et les explications du Premier ministre, dimanche soir, suffiront-elles à les calmer ? S'il conserve un crédit politique important, François Fillon ne peut l'utiliser aisément pour faire passer la réforme, car il est quelque peu démonétisé par le remaniement annoncé. Dans les jours prochains, si le mouvement perdurait, ce sera à Nicolas Sarkozy de monter au front. [email protected]
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