« L'excès de réglementation menace l'économie »

Comment percevez-vous l'économie américaine ?JP Morgan dispose d'un important réseau aux États-Unis qui constitue un bon observatoire. Au début de l'année, l'économie était sur une tendance très positive, mais qui a été suivie d'un coup d'arrêt brutal avec un chômage important. Depuis la fin de l'été, l'économie américaine est de nouveau mieux orientée. À cet égard, la banque de détail de JP Morgan au troisième trimestre montre des tendances encourageantes. Il existe encore des signes inquiétants comme l'immobilier, le chômage et le moral des ménages. Mais l'environnement est favorable : les taux d'intérêt sont bas et les entreprises disposent d'une trésorerie importante. Nous ne croyons pas à une double récession mais au contraire à une reprise progressive de l'économie.Le marché immobilier se redresse-t-il ?L'immobilier commercial ne reprend pas. Il reste encore beaucoup de stocks. Quant à l'immobilier résidentiel, nous avons suspendu 56.000 dossiers de saisies, offert des modifications de contrats à plus de 900.000 clients et rencontré 140.000 d'entre eux pour traiter leurs problèmes. Beaucoup de choses sont faites pour améliorer le marché et enrayer sa chute, même s'il ne donne pas encore de signes d'amélioration.Comment avez-vous reçu les nouvelles règles prudentielles de Bâle III ?Avec 9 % de ratio de solvabilité Tier One à horizon 2011, nous sommes dans la norme exigée. Il fallait renforcer les fonds propres des banques. Mais une exigence supplémentaire de 2 % pour les grandes banques serait probablement jugée excessive. En revanche, il doit y avoir une révision des ratios de liquidité. Même JP Morgan ne remplit pas ce critère alors que nous sommes le deuxième réseau américain en termes de dépôts. Aujourd'hui l'économie est menacée par une réglementation trop complexe. À superposer trop de contraintes, on risque de limiter la capacité des banques à prêter et de renchérir le coût du crédit. Il ne faut pas aller trop loin dans la régulation. Revenir à la séparation des banques d'investissement et des banques commerciales [« Glass Steagall Act », Ndlr], comme certains le préconisent, est absurde. N'oubliez pas que nous avons racheté Bear Stearns, à la demande du Trésor américain, il y a deux ans pour lui éviter la faillite.Quel sera l'impact pour JP Morgan de la limitation des commissions des cartes de crédit aux États-Unis ?Nous avons évalué qu'elle nous coûtera 750 millions de dollars de revenus par an. Nous sommes encore dans un excès de réglementation. Pourquoi réguler davantage un secteur ultraconcurrentiel ? Les consommateurs américains ont un choix très large d'émetteurs de cartes de crédit s'ils estiment que le leur est trop cher. Cette mesure va encore contribuer à baisser la rentabilité des banques. Si c'est le prix à payer d'une certaine sécurité, il faut l'accepter ; mais il ne faut pas que cela débouche sur une contraction du crédit.Pensez-vous que les banques pourront maintenir les règles sur l'encadrement des bonus ?Il faut respecter ces règles mais nous faisons face à une rude concurrence de certaines banques qui débauchent à prix d'or. Pour le moment, nous résistons en essayant tout de même de rester compétitifs pour garder nos équipes. Dans certains cas de hauts cadres, les arbitrages remontent jusqu'au conseil d'administration. Mais nous avons perdu des équipes car nous ne souhaitions pas nous aligner, par exemple, sur des bonus garantis qui existent toujours dans certains établissements. Néanmoins, ce n'est pas systématiquement l'argent qui est déterminant pour retenir nos talents. Le système de paiement en actions différé est très motivant, notre marque et notre stabilité constituent aussi des arguments attractifs.Comment va évoluer le secteur bancaire ?La perspective des nouvelles normes réglementaires avait gelé les opérations. Désormais, il y a davantage de visibilité et les mouvements vont reprendre. Nous nous attendons à beaucoup de consolidation bancaire aux États-Unis car le secteur est encore très éclaté au niveau local, en dehors des géants nationaux. En Europe, cela sera différent. Les banques vont choisir les métiers sur lesquels elles se concentreront, notamment en fonction de leurs exigences en capital. Les banques ne pourront plus exercer tous les métiers comme avant. Il y aura ensuite une concentration dans chaque métier comme cela a commencé dans la gestion d'actifs.Comment se porte JP Morgan en France ?D'une manière générale, le groupe est très attaché à l'Europe et particulièrement à la France où notre PDG Jamie Dimon vient régulièrement. Nous sommes implantés en France depuis longtemps et nous y avons un engagement prioritaire. Nous avons récemment créé un joint-venture entre la banque d'investissement et la banque privée pour développer le conseil en fusions et acquisitions aux sociétés de taille moyenne et aux entreprises familiales. La banque privée est un des axes de développement au niveau mondial et en France, de même que la banque d'entreprises pour laquelle nous avons récemment procédé à des recrutements pour renforcer l'équipe.
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