De très riches corporations de métier

Le Royaume-Uni n'a pas connu l'équivalent de la Révolution française. En ce soir d'automne, dans une immense salle de banquet au coeur de la City, cela se sent. La foule, en smoking et robes de soirée, se presse pour trouver sa place, chacun arborant décorations, médailles et honneurs. La soirée est organisée par la « Livery Company » (corporation de métier) des musiciens.Pour en faire partie, il faut devenir un « freeman » de la City, ce qui donnait le droit autrefois de faire passer ses moutons sur London Bridge sans payer de taxe. Aujourd'hui, le titre n'est qu'honorifique, mais il permet de maintenir un filtre sur qui rejoint les corporations de métier.C'est l'une des surprises de la City : les corporations, créées au Moyen Âge pour représenter les commerces de l'époque (merceries, poissonneries, archeries...), n'ont pas disparu. Aujourd'hui, il en existe 108, qui comptent 30.000 membres. La plupart n'ont plus grand-chose à voir avec leur métier d'origine, mais elles demeurent influentes... et pour certaines très riches. Beaucoup possèdent des terrains situés au coeur de la City, sur lesquelles sont construits des bureaux qui versent une rente à prix d'or.Cet argent leur permet avant tout de financer de très importantes oeuvres de charité : elles donnent ainsi chaque année près de 50 millions d'euros. En grande partie, il s'agit d'aide aux communautés les plus pauvres qui vivent aux abords de la City.Andreas Prindl, vice-président de Lloyds, fait partie de la corporation des musiciens. Cet Américain du Kentucky, devenu plus anglais que la reine après presque quatre décennies à la City, a été l'un des premiers non-Britanniques à en être membre à la fin des années 1990, avant d'en devenir le « maître » voilà quelques années.Comme pour la Corporation de la City, les « livery companies » ont longtemps été un cercle réservé à une élite masculine et blanche, qui travaillait dans la finance et Andreas Prindl a été le deuxième Américain à en faire partie. « C'était plus un club de buveurs d'alcool qu'une société secrète », relativise-t-il.Depuis une décennie, les règles changent : les femmes et les étrangers sont généralement acceptés (deux corporations rejettent encore les femmes !). Néanmoins, ces « livery » restent influentes. Formellement, ce sont encore elles qui élisent le lord-maire, même si celui-ci est présélectionné au préalable par la Corporation de la City. De plus, il est impensable qu'un lord-maire ne fasse pas partie d'une demi-douzaine de corporations. Cela renforce d'autant plus l'impression d'un cercle fermé où tout le monde se connaît, fréquentant les mêmes soirées et partageant les mêmes loisirs. E. A., à Londre
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