L'enlèvement au sérail

cinémaIl y a eu le kidnapping, tout d'abord. Et puis ce doigt, envoyé à la famille par les ravisseurs pour bien montrer qu'ils ne rigolaient pas. Sans parler de la presse, déchaînée à dévoiler les secrets de la victime. L'enlèvement du baron Empain en 1978 a durablement marqué les esprits. Et inspiré aujourd'hui au cinéaste Lucas Belvaux un « Rapt » captivant, réalisé avec finesse. D'autant que ce dernier se détourne du « biopic » attendu en pareille occasion, donne à son film l'aspect d'un thriller, pour réussir au final une ?uvre plutôt intimiste creusant avec acuité la psychologie des personnages.L'intrigue a été transposée dans le Paris actuel. C'est là que vit Stanislas Graff (Yvan Attal). Capitaine d'industrie, l'homme ? systématiquement pressé ? déjeune avec les ministres, mène son entreprise financière à la baguette, passe dîner avec les siens, retrouve sa maîtresse, finit la soirée à une table de poker. Une vie bien réglée, écrite à l'encre du pouvoir autour de plusieurs cercles qui ne se mélangent jamais. Jusqu'à ce que Graff se fasse kidnapper. Séquestré, amputé, maltraité, il est aussi abandonné par son conseil d'administration qui refuse de payer une rançon d'autant plus exorbitante que les ravisseurs sont persuadés, à la lecture de la presse, que Graff est milliardaire.Politique« Rapt » se révèle beaucoup plus politique qu'il n'y paraît. Car il est ici question du patronat français et de ses liens avec le pouvoir. Mais aussi de la manière dont les capitaines d'industrie sont parfois perçus par les médias. Certains articles concernant Graff, sa fortune ou sa manière de vivre, tiennent davantage du fantasme que de l'enquête.Il n'y a dans ce film ni rebondissements, ni scènes spectaculaires. Et pourtant, Belvaux nous tient en haleine par le fascinant portrait qu'il brosse de cet homme incarnant le pouvoir, réduit à un état animal par ses ravisseurs auxquels il oppose une dignité à toute épreuve. C'est d'ailleurs à une véritable performance que se livre ici Yvan Attal qui interprète avec force le personnage principal.Le réalisateur ne le juge pas. Pas plus qu'il ne juge les autres protagonistes tenus à distance par une caméra qui filme l'intrigue de manière clinique. Aux spectateurs de se faire une opinion de ce Graff, finalement peu aimable. Quant aux membres de son conseil d'administration, ils ne sont pas plus humains que ses ravisseurs. Et que dire de la fin, terrifiante. Qui nous pousserait presque à réclamer une suite. n
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