Allocations familiales : "Une prestation réservée aux pauvres devient une pauvre prestation"

Didier Migaud, le président de la Cour des comptes a rouvert le débat sur les allocations familiales, ce débat est-il fondé ?- S\'agit-il simplement trouver des économies ou de réformer les dépenses familiales ? A ce stade, on ne sait pas trop. Si le gouvernement veut réaliser une économie de 2,5 milliards d\'euros, soit le montant du déficit de la branche famille, sur un total de 30 milliards d\'euros affectés à la politique familiale, ce qui représente tout de même 8%, c\'est beaucoup. Car le déficit de la branche famille est purement conjoncturel, dû à une croissance excessivement faible. Faire de nouvelles économies reviendrait à rajouter de l\'austérité à la récession. Est-ce vraiment le moment ? Soit il s\'agit d\'une réforme d\'ampleur destinée à financer d\'autres prestations par de la redistribution. C\'est que qu\'avait déjà fait François Hollande en faisant financer l\'augmentation de l\'allocation de rentrée scolaire par une baisse du plafond du quotient familial.La question de la mise sous condition de ressources des allocations familiales n\'oblige t - elle pas à repenser les objectifs de la politique familiale ?- Absolument. Auparavant, la politique familiale avait pour but de favoriser la natalité et de soutenir le pouvoir d\'achat des familles qui ne devaient pas être pénalisées par le fait d\'avoir des enfants. Puis deux autres objectifs sont apparus : la lutte contre la pauvreté et le soutien à l\'emploi des mères. Ces nouveaux objectifs ont entraîné le développement des prestations sous condition de ressources. En 1970, 100% des prestations familiales étaient accordées sans condition de ressources, cette part ne cesse de reculer depuis, tombant à 71% en 2000 puis à 55% en 2012.Selon vous, entre fiscaliser les allocations et les attribuer sous condition de ressources que faut-il choisir ?- La condition de ressources mettrait fin au principe d\'universalité et c\'est grave. Une partie de la population ne se sentirait plus concernée par les allocations familiales et s\'en désintéresserait. Les allocations deviendraient une prestation pour les pauvres avec le risque, alors, de devenir une pauvre prestation. En revanche, la fiscalisation fait participer tout le monde selon ses moyens, via l\'impôt sur le revenu. Or, les prestations qui ont une vocation universelle et qui sont en partie financées en fonction des possibilités de chacun sont plus facilement acceptables.Combien rapporterait à l\'Etat l\'intégration des allocations dans l\'assiette de l\'impôt sur le revenu ?- Selon une étude de la Drees [service statistiques du ministère des Affaires sociales] en 2009, la fiscalisation des allocations aurait rapporté 1,3 milliard d\'euros, soit, aujourd\'hui, environ 1,5 milliard d\'euros. Et les 10% des plus riches contribuables auraient participé à hauteur de 25% de ces 1,5 milliard ; ce taux atteint 42% si l\'on retient les 20% les plus riches et 60% pour les 30% les plus riches. Il est donc certain que la fiscalisation des allocations familiales va davantage concerner les classes moyennes qu\'une mise sous condition de ressources qui n\'aurait un effet que pour à peine 20% des plus riches.Il y a t-il d\'autres pistes possibles ?- Il faut maintenir le poids dans le PIB des dépenses pour la famille car il s\'agit là d\'objectifs légitimes et importants en termes d\'investissements : éducation, logement, santé. Il n\' y a aucune raison de réduire ces dépenses. En revanche, la revalorisation des allocations familiales est indexée sur les prix et non pas sur les revenus. Ceci a déjà permis de réaliser des économies qui ont servi à financer de nouvelles prestations en faveur des jeunes enfants notamment. Si , à l\'avenir, nous avons un peu de croissance, le système d\'indexation permettra de faire de nouvelles économies.  
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