« Le marché secondaire des fonds fermés doit s'organiser »

La crise a mis en lumière des différences entre la liquidité des fonds et celle des sous-jacents qui les composent, notamment pour des produits investis dans des stratégies ou classes d'actifs peu liquides. Avec comme conséquence, la difficulté d'une bonne gestion de l'actif et du passif que les fonds ouverts sont censés proposer. Dans un entretien accordé à « La Tribune », Noël Amenc, directeur de l'Edhec-Risk Institute, prône au contraire le développement des fonds fermés car les horizons de liquidation correspondent à ceux des actifs sur lesquels ils sont investis.Pour quelles raisons préconisez-vous une directive sur les fonds fermés ?Il semble important de rappeler qu'une des règles de base de la gestion des risques d'un organisme de placement collectif (OPC) est constituée par la bonne adéquation entre sa stratégie d'allocation d'actifs et son passif, notamment en matière de durée de détention ou plus généralement de liquidité. Dans le cas de fonds ouverts, dont le passif est exigible à tout moment, cette adéquation est impossible pour des stratégies d'investissement dont la performance dépend d'un horizon assez long de détention comme les pratiquent certaines catégories de hedge funds ou qui sont assises sur des actifs illiquides comme l'immobilier ou les titres de sociétés non cotées. Il est clair qu'en considérant qu'une meilleure protection des épargnants européens passait nécessairement par des fonds ouverts dont on renforçait les règles et l'exigence de liquidité, les régulateurs et la Commission européenne ont une lourde responsabilité dans la crise de liquidité de nombreux produits financiers, qu'il s'agisse des fonds immobiliers allemands ou britanniques ou des fonds français dit de « trésorerie dynamique ». Ils ont à la fois favorisé la discordance entre les passifs et les actifs des OPC et renforcé les exigences de liquidité des investisseurs en les encourageant à investir dans des supports fondamentalement illiquides, mais qu'ils contribuaient à présenter comme liquides.Les fonds ouverts ont donc montré leurs limites ?On aurait pu penser que la première leçon qu'aurait tirée le régulateur européen de la grave crise financière eût été de mettre fin à cette domination des fonds ouverts en proposant un cadre européen pour les fonds fermés. Il n'en a rien été. Soucieux, pour sa réélection, de donner des gages à certains dirigeants européens qui avaient fait, sans preuve, le procès des hedge funds présentés comme les principaux responsables de la crise financière, le président Manuel Barroso a entrepris de proposer un texte rédigé hâtivement, sans qu'aucune étude d'impact sérieuse n'en soutienne les principales dispositions. Ce texte ne répond pas aux besoins de protection des épargnants européens puisqu'il ne concerne pas la commercialisation de la gestion alternative auprès de la clientèle des particuliers. Il ne permettra pas non plus de prendre en compte les problèmes de la liquidité de ce type de gestion, si ce n'est en proposant des expédients comme la mise en place de « gates » qui sont, au final, le constat d'échec d'une réglementation et d'une gouvernance fondées sur la liberté de sortie du souscripteur. Face à cette carence européenne, je propose avec Pierre Lasserre et Pierre Schoeffler [*] que soient développés les fonds fermés. Le cadre français existe avec le régime des Sicaf [lire encadré]. Il ne reste plus qu'à en moderniser le marché secondaire des parts.En quoi les systèmes multilatéraux de négociation répondent-ils correctement aux besoins des fonds fermés ?Un des reproches souvent adressés aux fonds fermés est le problème posé par l'organisation du marché secondaire des parts. Il est clair que la cotation des « unit trusts » britanniques, avec les conséquences négatives en termes de volatilité et de sous-évaluation des parts que l'on connaît, doit nous amener à réfléchir à un mécanisme de découverte des prix adapté à ces fonds fermés, qu'il s'agisse de la fréquence de négociation, de la confrontation des intentions d'achat ou de vente ou de la transparence du marché. Le cadre européen existe puisque la directive MIF a prévu de pouvoir disposer d'une alternative au marché boursier traditionnel ou au marché de gré à gré. Il s'agit des plates-formes multilatérales de négociation qui permettent de mettre en place des règles de négociation adaptées à chaque instrument, tout en bénéficiant d'une transparence minimale et d'un contrôle assuré par le régulateur.Sur la question de l'épargne longue, l'Efama (European Fund and Asset Management Association) propose l'Ocerp (Officially Certified European Retirement Plans). Qu'en pensez-vous ?L'Efama a raison de souligner l'importance du développement de l'épargne financière longue pour l'avenir des systèmes européens de retraite. L'idée de mettre en place un standard européen de plan de retraite assorti d'une cotisation individuelle automatique pour tous les citoyens, avec une clause facultative de renoncement, peut donner des résultats positifs en matière de réorientation de l'épargne vers l'investissement de long terme. Il est dommage que ce souci de réorientation de l'épargne vers le long terme n'ait pas conduit l'Efama à questionner la pertinence et l'optimalité des fonds Ucits comme supports d'investissement de long terme. Au final, il me semble que la recherche d'une amélioration des conditions de concurrence, qui sous tend le choix des fonds Ucits, est un problème de second ordre par rapport à la nécessaire amélioration des concepts aujourd'hui encore trop frustes et des techniques d'allocation sous-optimales des fonds à maturité qui supportent l'investissement individuel de retraite de nombreux épargnants européens. n(*) Pierre Lasserre, conseiller en management, Pierre Lasserre Consult ; Pierre Schoeffler, conseiller en investissements financiers, S & Partners.
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