Aidants familiaux au travail : chronique d'un crash industriel annoncé ?

La préparation du projet de Loi sur la Dépendance semble plus que jamais placer les aidants familiaux au coeur des politiques de santé publique. Soutenue par de nombreuses initiatives privées ou associatives - et quotidiennement rappelée par notre Ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l\'Autonomie -, la reconnaissance progressive des pouvoirs publics constitue assurément une bonne nouvelle pour près de 4 millions de nos concitoyens qui s\'impliquent aux côté d\'une personne dépendante, âgée, malade ou handicapée.Plus encore, cette mobilisation de la société toute entière semble aussi peu à peu gagner le terrain de l\'entreprise en s\'intéressant de façon croissante à tous ceux qui, en parallèle de leur condition d\'aidant, exercent une activité professionnelle.\"Contamination\" de la sociétéEt de fait, il y a urgence ! Une urgence pour aujourd\'hui, puisque que les aidants représentent actuellement près d\'un 1 actif sur 12[1]. Mais aussi et surtout une urgence pour demain, qui s\'explique par l\'influence conjuguée du vieillissement et de l\'explosion des pathologies chroniques, l\'entrée plus tardive dans le monde du travail et l\'allongement inéluctable de la durée de vie active : à un horizon de 15 ans, on parle d\'environ 1 actif sur 6 (voire 5)[2] susceptible d\'être concerné, toutes classes d\'âges confondues (et pour certaines, il est dès à présent allègrement dépassé).Si d\'ici là rien n\'est fait, cet effet de « contamination » rapide, qui touchera près de 20% des effectifs salariés, ne sera évidemment pas sans conséquence sur la santé économique de nombreux acteurs de notre pays : souvent coincé entre le souci constant de celui dont il a la charge et la peur de son propre déclassement, l\' aidant est en effet soumis à une pression extrême qui se marie parfois mal avec les impératifs de disponibilité ou d\'effectivité que réclame les modes actuels d\'organisation du travail.Pas de statut précisDans ces conditions, plusieurs pistes sont d\'ores et déjà l\'étude, avec bien souvent la tentation naturelle d\'aborder la question en y apportant une réponse prioritairement sociale, fondée sur l\'acquisition de droits nouveaux et sur des mesures conçues la plupart du temps comme exclusivement à la charge de l\'employeur. On ne saurait évidemment critiquer cette explosion de produits ou services - dans l\'assurance ou la prévoyance entreprise notamment - ni même la (re)création de nouvelles solidarités internes - comme la fameuse loi de transfert des RTT. On peut en revanche en souligner les limites, touchant principalement à l\'absence de statut précis - la définition de l\'aidant familial souffre en effet d\'un maquis de désignations qui ne concourt pas à la clarification - comme à l\'appréhension que peut avoir chacun de sa situation - le terme générique d\'aidant recouvre en effet des histoires singulières qui ont parfois beaucoup de mal à se retrouver en un agrégat opérationnel et pertinent. Plus encore, il convient surtout de pointer les menaces lourdes et préjudiciables d\'une approche trop limitative : en obligeant l\'entreprise à investir dans des dispositifs complexes et coûteux, elle peut engendrer une augmentation considérable des charges au sein d\'entreprises en recherche constante de gains de compétitivité ; parallèlement, représenter l\'aide familiale comme un problème ou un fardeau de plus, peut conduire à une véritable stigmatisation des collaborateurs concernés, et avec elle son cortège de doutes et de suspicion vis à vis.Des capacités décupléesDevant la bombe démographique et épidémiologique annoncée, il faut donc en finir avec le cloisonnement classique, entre performance d\'un côté et fragilité des ressources de l\'autre, pour tirer un parti collectif et positif des bouleversements à venirCeci suppose d\'abord de se convaincre du caractère productif de l\'aidant familial : de nombreuses études internationales semblent ainsi entériner l\'idée que celui qui, parce qu\'il doit affronter au quotidien une situation inédite l\'obligeant à s\'organiser et gérer à grande vitesse une multitude de paramètres, déploie de fait des facultés qui sont désormais parmi les plus recherchées chez un collaborateur: créativité, réactivité, capacité de pilotage en mode projet...Le terreau d\'un nouveau modèle français ? Ceci suppose ensuite d\'inventer des dispositifs dont la nature réciproque suscite un cercle vertueux qui pollinise toute l\'organisation : de ce point de vue, les expériences pilotes menées auprès de collaborateurs aidants mettent en avant de considérables effets de leviers telle que par exemple l\'amélioration du présentéisme ou l\'amélioration globale du dialogue social au sein de l\'entreprise. Ceci suppose enfin, d\'inscrire ce type de démarche dans le cadre de véritables politiques d\'engagement RH capables de mobiliser et former l\'ensemble de la chaîne des parties-prenantes : collaborateurs, managers, assistants social, médecin du travail...On le voit, plus qu\'un enjeu de société, l\'aide familiale peut être aussi être vue comme un formidable terrain de réconciliation entre l\'économie et le social. Il peut en émerger, notamment au sein d\'un pays aussi sensible à ces questions que le nôtre, une sorte de nouveau modèle français porteur de progrès et de modernité pour demain.  --------------------------------------------------------------------------------[1] Panel National des Aidants Familiaux - BVA/Fondation Novartis - 2010[2] DREES - 2010 
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