Derrière la crise grecque, le risque américain

Barack Obama n'avait pas prévu de devoir jouer les sauveurs de l'Union monétaire européenne. Et pourtant, le voilà contraint de téléphoner à Angela Merkel au beau milieu d'un sommet européen pour vaincre ses résistances sur le plan d'aide aux pays membres endettés. Voilà M. Obama encore qui téléphone à José Luis Zapatero pour l'encourager à faire des coupes sombres dans les dépenses publiques de l'Espagne. Du jamais-vu. Autrefois, on aurait parlé d'une « ingérence » américaine. Maintenant l'Europe lui est presque reconnaissante.L'administration Obama n'agit pas par générosité. Elle s'inquiète lorsque l'Eurozone donne une preuve d'impuissance, car l'Amérique risque de subir elle aussi de lourdes conséquences. L'euro qui dégringole vers un taux de 1,20 par rapport au dollar, c'est un coup dur pour l'industrie exportatrice des États-Unis. Déjà Mercedes se réjouit d'une augmentation de 22 % de ses ventes sur le marché américain. Une partie de la croissance économique aux États-Unis, ces trois derniers trimestres, a été le fait d'une reprise des exportations liée au dollar faible. Maintenant c'est au tour de l'industrie européenne de profiter d'un taux de change favorable. De plus, la chute de l'euro offre un alibi parfait au gouvernement chinois : le voilà qui remet aux calendes grecques (c'est le cas de le dire) sa promesse d'une réévaluation graduelle du renminbi. L'industrie américaine perd des marges de compétitivité vers ses concurrents européens, sans en gagner vis-à-vis de la Chine.Mais le commerce extérieur n'est pas le souci majeur pour M. Obama. Bien que l'Union européenne soit leur deuxième marché avec 15,3 % de leurs exportations, les États-Unis ont une économie relativement fermée : les exportations ne pèsent que pour 7,4 % de leur PIB. Par conséquent, les ventes de produits « made in USA » dans l'Eurozone ne font que 1,1 % du PIB américain. Un recul des exportations américaines ne sera pas catastrophique.Washington craint davantage la contagion d'une crise de confiance envers les dettes des États souverains. Si on abandonne la Grèce à son destin naturel (la banqueroute), le Portugal et l'Espagne ne résisteront pas longtemps. Après ce sera sans doute au tour de l'Italie et de la Grande-Bretagne. Le moment viendra-t-il où les investisseurs asiatiques n'auront plus confiance dans la solvabilité du Trésor des États-Unis ? Car la dette publique américaine augmente vite. Elle atteindra un niveau « méditerranéen » en une décennie. Il vaut mieux ne pas mettre à l'épreuve la foi des marchés dans les Treasury Bonds. Une légère baisse de confiance peut suffire pour contraindre le Trésor de Washington à offrir des rendements plus élevés. La Federal Reserve serait, elle aussi, obligée d'augmenter des taux. C'est un scénario redoutable, car les États-Unis ont encore 15 millions de chômeurs. Il faut donc éviter que la Grèce soit parmi les nations ce que fut Lehman Brothers pour les banques : le déclenchement d'un effet de cascade. Voilà pourquoi Washington est disponible à payer le prix fort. Derrière la « générosit頻 du Fonds monétaire international qui est partie prenante du plan européen, il y a les États-Unis qui en sont l'actionnaire plus important.Pour le contribuable américain, tout cela est incompréhensible. Aux États-Unis, on pourrait concevoir une faillite de la Californie ou de l'État de New York (tous les deux surendettés), sans que le gouvernement fédéral soit obligé d'organiser un sauvetage. Mais la République fédérale américaine a d'autres instruments de stabilisation. Son budget central effectue des transferts importants vers les États : notamment à travers les indemnités de chômage et le système des retraites (Social Security), une partie des soins de santé (Medicare et Medicaid), le budget de la Défense et certains transferts pour l'Éducation nationale. Le fait qu'une économie minuscule comme celle de la Grèce ait une force de déstabilisation supérieure à celle de la Californie, voilà un paradoxe qui ne renforce pas la crédibilité de l'Union européenne aux yeux des Américains.chronique Federico Rampini Chef du bureau de « La Repubblica » aux États-U
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