Plassat cible les dix priorités pour relancer la machine Carrefour

Ni prompteur. Ni retransmission web. Ni sortie par une porte dérobée. Pour sa première prise de parole en public, lors de l\'Assemblée générale des actionnaires de Carrefour réunie ce lundi 18 juin à Paris, au Carrousel du Louvre, Georges Plassat a imprimé sa marque de fabrique, celle d\'un homme affranchi. Les actionnaires de référence, Groupe Arnault et Blue Capital, ont choisi cet ancien patron de Vivarte et Casino pour relancer la machine Carrefour. L\'homme n\'a peur de rien. Pas même des membres du conseil d\'administration auxquels, trois heures durant, il n\'a cessé d\'envoyer des piques.Georges Plassat suggère à Amaury de Sèze, 66 ans, ancien président du conseil d\'administration de Carrefour qui se heurta à José Luis Duran, de se « décontracter ». Après 25 minutes d\'allocution sans note, Georges Plassat rassure Sébastien Bazin, le directeur général de Colony Capital en Europe, qui regarde « les pointes de ses chaussures avec inquiétude ». « J\'irai où mon discours me mènera », indique-t-il, en se moquant de sa propre propension à discourir. Et, plus tard, lors d\'une séance de questions-réponses, à un syndicaliste qui qualifiait Bernard Arnault de personnage omnipotent, Georges Plassat répond : « il appartient aux managers de ne pas se laisser envahir ». Dont acte. Georges Plassat a obtenu les pleins pouvoirs pour diriger le groupe Carrefour, numéro deux mondial de la distribution. Il entend le faire savoir aux petits actionnaires agacés par un cours de Bourse en déshérence depuis des années et aux cadres de Carrefour pour le moins démotivés.L\'état des lieux que Georges Plassat a dressé est cependant alarmant. « Chez Carrefour, les gens sont stone [...] Ceux qui ont résisté ne sont plus là. Et ceux qui sont restés ne comprennent plus rien», a-t-il lancé en faisant allusion aux départs successifs de plusieurs hauts dirigeants du groupe Carrefour, depuis celui de José Luis Duran, ancien PDG débarqué fin 2008 et remplacé par Lars Olofsson.Georges Plassat ne dévoilera sa stratégie de relance que dans plusieurs semaines, probablement, fin août, lors de la présentation des résultats semestriels. Mais, lors de cette assemblée générale, l\'ancien patron de Vivarte a esquissé plusieurs des points clefs de sa feuille route d\'ici à 2015. La Tribune en a relevé dix.1. Trois ans - au moins - sont nécessaires pour redresser Carrefour.« Dans le secteur de la distribution, on ne fait rien de bien en moins de trois ans. C\'est d\'ailleurs la durée de mon mandat», fait valoir Georges Plassat, avant d\'ajouter qu\'une « accélération pourrait faire casser les courroies ». Le patron du groupe aux 9.771 magasins exige du temps pour mener à bien le « désendettement, le retour au métier et la réduction des coûts, avec un soin particulier accordé à l\'arbitrage dans les pays émergents ».2. Carrefour devra supprimer des emplois.« Tout le monde sait que le groupe est trop lourd en amont de ses réseaux de magasins », a fait valoir le PDG de Carrefour, en promettant de réunir un « forum » pour « trouver une bonne solution pour le patrimoine humain de l\'entreprise » et de « faire les choses proprement ». Les salariés des sièges de Carrefour à Boulogne-Billancourt, Massy et aux Ulis craignent des suppressions d\'emploi. En France, Carrefour est le premier employeur privé (115.000 salariés sur 410.000 dans le monde). « On ne peut pas être compétitif avec les groupements indépendants [Leclerc, Intermarché ou Système U, ndlr] en ayant des structures d\'empire », tranche Georges Plassat.3. L\'hypermarché Carrefour doit se recentrer sur les produits alimentaires.« Il n\'est pas utile d\'avoir des hypermarchés de 15.000 m² ou 20.000 m² partout », observe le PDG de Carrefour. Les grandes surfaces de l\'enseigne devraient, selon lui, se concentrer sur les produits alimentaires et dédier ses rayons non-alimentaires aux produits dits saisonniers. « L\'hypermarché va survivre. C\'est à nous d\'y travailler », estime Georges Plassat, en rappelant qu\'aucun « format n\'a disparu, ni les grands magasins, ni les magasins de proximité ». Cette stratégie devrait cependant inquiéter les salariés des magasins. Force Ouvrière craint 3.000 à 5.000 suprpressions d\'emplois.4. Carrefour Planet, this is the end.D\'une phrase, Georges Plassat a mis un point final à l\'expérience de « réenchantement de l\'hypermarché » qu\'avait lancée Lars Olofsson fin 2010 en Espagne, Belgique, France, Italie et Grèce. «Carrefour Planet meurt de sa belle mort », a ironisé Georges Plassat lors de l\'Assemblée générale. Le groupe avait promis de consacrer 1,5 milliard d\'euros pour boucler la rénovation de 500 hypermarchés en Europe d\'ici au printemps 2013.5. Vers la fin de la \"convergence\" entre enseignes.Depuis 2008, Carrefour devient la bannière unique de tous les magasins du groupe. Les supermarchés Champion sont tous devenus des Carrefour Market. Avec succès. Les petits magasins de centre-ville exploités sous les enseignes Shopi, notamment, font actuellement de même en devenant, c\'est selon, des Carrefour City ou des Carrefour Contact. S\'y est ajouté le lancement de Carrefour Planet pour les hypermarchés new look imaginés par Lars Olofsson. La manœuvre s\'est avérée risquée en France. Car le groupe ne peut avoir une politique de prix unique pour l\'ensemble de ses magasins. A la question « Peut-on sortir de cette politique de convergence ? », Georges Plassat répond « Oui, je le pense et je le souhaite ». 6. « Carrefour ne pourra pas défendre ses positions partout »...Georges Plassat ne s\'interdit pas de sortir de certains marchés. Le groupe est aujourd\'hui implanté dans 33 pays dans le monde. Il vient d\'annoncer qu\'il sortait de Grèce. Georges Plassat n\'exclut pas de se retirer de Turquie - pays dans lequel le torchon brûle avec son partenaire turc, le conglomérat Sabanci - et de céder le contrôle de sa filiale en Indonésie. Le PDG de Carrefour a cependant refusé de répondre à Erik Knight, actionnaire activiste qui lui a suggéré d\'introduire en Bourse les filiales étrangères de Carrefour. « Ce serait un façon de lever de l\'argent sans démanteler le groupe », a avancé le fondateur du fonds Knight Vinke.7. ...Mais le groupe ne quittera pas le Brésil.« Jamais Carrefour n\'a envisagé de quitter le Brésil. C\'est une zone puissante qui pourrait devenir une plateforme pour notre développement en Amérique Latine, à moindre coût », assure Georges Plassat. Un an après l\'affaire Diniz qui opposa Carrefour à Casino dans un projet de fusion avec le groupe brésilien Pao de Açucar, le PDG de Carrefour a souhaité faire taire toute les rumeurs de cession. Depuis, Walmart était régulièrement donné partant pour racheter Carrefour au Brésil, en Colombie et en Argentine.8. En Chine, aussi, Carrefour devra créer de nouveaux types d\'hypermarchés Georges Plassat s\'est rendu en Chine. Le pays est dirigé par Thierry Garnier, en remplacement d\'Eric Legros, rapatrié au siège de Boulogne-Billancourt fin 2011. « Carrefour restera en Chine », assure Georges Plassat. L\'ancien patron de Vivarte, qui, jamais, ne s\'est intéressé à l\'internationalisation de ce conglomérat de l\'habillement, sait d\'emblée ce que Carrefour doit faire là-bas. L\'enseigne doit maintenant y implanter des magasins « plus ramassés », juge-t-il. En 2011, ses ventes dans les rayons non-alimentaires ont traversé un trou d\'air. A charge pour Thierry Garnier de « faire aussi bien que son prédécesseur », le prévient sèchement Georges Plassat.9. L\'Europe, son talon d\'Achille« L\'Europe va se dégrader, plus que partout ailleurs. Or, nos parts de marché y sont fortes. Nous devons les défendre », observe Georges Plassat. En 2011, le bénéfice net du groupe a chuté de 14% à 371 millions d\'euros pour un chiffre d\'affaires de 91,5 milliards. Son activité a été uniquement sauvée par les pays émergents. En 2012, ce sera manifestement pire. « Nous aurons du vent de face\", a prévenu, sans surprise, le PDG.10. Un management « militaire » Georges Plassat a beau assurer aux syndicats qu\'ils « sont bienvenus à la table » et aux cadres dirigeants qu\'il « compte d\'avance sur eux ». Le patron les a très clairement prévenus. « Lars Olofsson a sous-estimé que le métier de la distribution comprend des éléments militaires », a estimé Georges Plassat. 
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