Immobilier : les mesures Duflot seront-elles applicables ?

En intégrant dans sa loi deux mesures particulièrement impopulaires dans un camp qui dépasse largement celui des libéraux purs et durs, la ministre du Logement, Cécile Duflot s\'est attirée les foudres des professionnels de l\'immobilier.Ce mardi, l\'Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi pour l\'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) sans modifier les fondamentaux des deux mesures phares du projet : l\'encadrement et la Garantie universelle des loyers (GUL). Ce, malgré les divisions au sein de la majorité. Avant que la navette parlementaire n\'entre en action, le question demeure de savoir si ces deux mesures seront concrètement applicables en l\'état actuel. Il est permis d\'en douter.L\'Assemblée a signé un chèque en blancLa GUL par exemple, qui sera mise en vigueur d\'ici au 1er janvier 2016, prévoit dans ces grands principes d\'instaurer une garantie publique financée conjointement et à parts égales par les locataires et les propriétaires. Les fonds pour la financer seront issus d\'une cotisation de 1 à 2% du montant du loyer. Si le taux de la taxe n\'est pas arrêté, c\'est parce que le coût du dispositif fait encore débat.\"On nous propose de signer un chèque en blanc\", regrettait publiquement le député UDI Michel Piron, juste avant l\'adoption de la loi à l\'Assemblée nationale. Il faudra en effet attendre la sortie du décret d\'application de la loi pour en connaître les modalités exactes. Ce qui entrouvre une fenêtre pour des modifications à venir.Un dispositif déresponsabilisant et inflationnisteLes assureurs estiment notamment que le gouvernement a sous-estimé le coût de la mesure. Selon eux, des locataires se sachant assurés ne feront plus l\'effort de payer leur loyer, ce qui contraindra le gouvernement à accroitre le niveau de taxation.\"Le dispositif GUL sera certainement déficitaire dès son lancement. Et chaque année, les pouvoirs publics devront augmenter la taxe pour couvrir les nouveaux déficits\", prédit Pierre François, directeur général prévoyance et santé de Swiss Life. \"Ce système aura pour avantage de couvrir tout le monde, et pour inconvénient d\'être déresponsabilisant et inflationniste\", résume-t-il.En plus d\'être flou pour le moment, le dispositif sera administrativement lourd et compliqué à mettre œuvre : il est prévu de créer une agence publique, qui, en lien avec le trésor, sera chargée du recouvrement des impayés. Ce, alors qu\'elle délèguera en parallèle l\'accompagnement social et la gestion des sinistres à des associations implantées localement, et à des assureurs privés… Bref, la création d\'une nouvelle usine à gaz administrative se profile.L\'augmentation des loyers a déjà eu lieu Pour l\'encadrement des loyers, les modalités d\'application sont en revanche relativement claires : le texte prévoit que, dans 28 agglomérations de plus de 50.000 habitants, les loyers ne pourront plus excéder 20% d\'un \"loyer médian\", fixé chaque année par le préfet en fonction du quartier et de la surface. Mais dans la réalité, le dispositif n\'aura que peu d\'impact. En effet \"l\'augmentation des loyers a déjà eu lieu (ils ont plus que doublé en France depuis le début du 21ème siècle ndlr), le marché est aujourd\'hui arrivé à son pic\", juge l\'économiste spécialiste de l\'habitat Jean-Claude Driant. Résultat, le caractère social de la mesure a ses limites : ce sont essentiellement les locataires les plus riches qui paient des loyers abusifs qui en bénéficieront.Pis encore, dans certaines agglomérations où un effet de redressement des prix à la baisse s\'amorcerait, le dispositif pourrait constituer un frein à ce mouvement. Pour les bailleurs, si l\'on exclut l\'effet psychologique d\'une réforme qui les \"stigmatiserait\", l\'impact sera donc minime.La fixation des loyers médians est loin d\'être au pointMais le sujet central de cette réforme réside dans la pertinence des données des observatoires des loyers locaux qui déterminent les loyers médians. Jean-Claude Driant craint d\'ailleurs que \"le bât ne blesse sur la fixation de ces loyers médians\". Car hormis la région parisienne, qui possède déjà un observatoire très performant, l\'Olap, les autres régions se basent sur des \"observatoires des loyers locaux dotés de moyens très modestes\", indique Jean-Claude Driant. Pour l\'instant, les observatoires des agglomérations non franciliennes \"disposent d\'une finesse d\'analyse géographique insuffisante pour déterminer un loyer médian pertinent\", ajoute l\'économiste. Les professionnels de l\'immobilier pourront bien fournir leurs données mais ils ne représentent pas plus de 40% de parts de marché. Pour le reste, il faudra mener régulièrement des enquêtes auprès des particuliers, ce qui coûte très cher. C\'est d\'ailleurs en partie pour cette raison que l\'Olap n\'a pas pu s\'étendre sur tout le territoire national. 
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