À l'occasion des 26e Journées du patrimoine ce week-end, Pie...

Le patrimoine, une passion françaiseQuel regard portez-vous sur les Journées du patrimoine ? Est-ce désormais un événement incontournable pour tous les Français ? Ce qui est, en effet, remarquable, c'est le succès populaire de cette manifestation. Résultat : c'est même devenu une obligation institutionnelle. Il n'y a pas un monument qui n'envisage d'ouvrir ce jour-là. La curiosité du public nourrit également la motivation des responsables de site. Tous savent qu'ils auront de la visite ce week-end-là. Le patrimoine est devenu une passion française, qui est née avec la Révolution. Les actes de destruction ont fait prendre conscience qu'on démolissait plus des ?uvres d'art appartenant à tous que des symboles du pouvoir. Sous la Restauration, on comprend alors que s'y intéresser est un moyen de renouer avec l'unité nationale. Mais les Journées du patrimoine vont bien au-delà de la simple idée de préservation. Aujourd'hui, elles illustrent une notion de partage. En visitant tous au même moment des lieux d'exception, il se crée une forme d'appropriation à la fois culturelle et historique. Quelles sont les conséquences de cet engouement national ? On assiste à un phénomène d'extension patrimoniale qui va de la cathédrale aux jardins en passant par l'industrie. On s'intéresse à des thèmes nouveaux, ce qui entraîne de formidables changements dans les rôles sociaux. Prenez des gens qui étaient impliqués professionnellement dans des lieux, telles les équipes d'entretien des hauts-fourneaux, par exemple. Aujourd'hui, ils deviennent porte-parole de l'histoire de ces lieux. À l'heure où nous sommes tous préoccupés par la cohésion sociale, le patrimoine est un support de reconnaissance. Une autre notion émerge également, celle de « paysage culturel » racontant le rapport de l'homme à la nature. Ainsi, un dossier « Causses et Cévennes » qui décrit l'agropastoralisme est à l'étude pour un classement mondial. Enfin, on commence à s'intéresser au patrimoine immatériel, celui de l'oral, des rites et des traditions. Le président de la République fait travailler une commission pour que la cuisine française soit classée au patrimoine mondial. Et désormais le patrimoine est porté par tous. En vingt ans, le nombre de mes interlocuteurs a changé du tout au tout. Avant, il s'agissait d'une poignée de passionnés émanant du ministère de la Culture. Aujourd'hui, pour comprendre un édifice, le dialogue se noue avec une multitude de spécialistes. En s'ouvrant à tous les champs, nous avons également brisé les hiérarchies. Du coup, on soutient autant des bâtiments inscrits dans un quotidien historique, comme un lavoir, qu'une demeure. Et les villes ont intégré dans leur gestion du territoire la sauvegarde de leur patrimoine. Quel serait le patrimoine de demain ? Nous n'avons pas encore résolu la question du patrimoine de la seconde partie du XXe siècle. En particulier l'architecture de nos banlieues. Deux visions s'opposent : celle d'une politique de rénovation urbaine qui passe par la destruction des édifices et un autre regard consistant à dire que ceux-ci appartiennent à notre histoire. Lorsque nous menons, comme aujourd'hui, des rénovations des unités d'habitation de Le Corbusier, nous sommes dans ce compromis. On bute maintenant sur la synthèse entre conservation du patrimoine et vie moderne. L'autre sujet, c'est l'inscription au patrimoine mondial qui est devenue, en France, un enjeu de politique majeur. Nous sommes passés de la protection de bâtiments historiques à celle de villes ou de territoires au travers de demandes émanant des villes ou d'associations. C'est le cas de l'Association Vauban et des villes fortifiées qui ont monté un dossier pour une reconnaissance mondiale. Aujourd'hui, la plus grande des difficultés est celle du choix. Avec l'inquiétude légitime des sociétés européennes d'une muséification du territoire. Le paradoxe est de savoir rester vigilant sur le patrimoine tout en continuant de s'ouvrir à la création. L'organisation d'expositions d'art contemporain dans les monuments historiques évite ainsi que le fossé ne se creuse entre patrimoine et création. C'est incontestablement une bonne chose.
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