La philosophie politique d'un Prix Nobel de la paix

oint de vue Jean-François Durantin politologueEn enchaînant cinq interventions importantes entre avril et juillet 2009, le président Obama n'a pas seulement rompu avec la politique des années Bush : il présente sa vision philosophique du monde et se démarque de son prédécesseur sur sa conception du pouvoir, de la diplomatie, de la nature humaine. La tournée de Barack Obama en Europe s'est conclue par le discours de Prague contre la prolifération nucléaire (5 avril 2009), suivi des discours du Caire au monde arabo-musulman (5 juin 2009), de Moscou sur les relations américano-russes (7 juillet 2009), d'Accra sur le rôle des Africains (11 juillet 2009), et de Washington sur la politique à l'égard de la Chine (28 juillet 2009). Ces interventions fondatrices réalisent un subtil dosage entre moralisme et réalisme, responsabilité et rationalisme. Elles édictent une éthique autour de trois orientations : face aux menaces de crises et de conflits, chaque État doit prendre ses responsabilités ; celle des grandes puissances est la plus importante, certes, mais celle des petits États ne doit pas être négligée ; enfin, chaque continent possède sa vision des choses et ses solutions propres.Chaque État a donc le devoir de lutter contre les crises. À Prague, devant les dirigeants des États membres de l'Union européenne, le président Obama a proposé un monde sans armes nucléaires. En matière de prolifération, le président américain est convaincu, à l'instar des cercles dominants démocrates, qu'il convient de contrôler et, à terme, d'éliminer les arsenaux d'armes nucléaires, insistant par là sur la pertinence du contrôle des armements. Cette obsession est récurrente chez Obama qui plaidait, dès 1983, pour le désarmement afin de « casser la mentalité de guerre ». Au Caire, outre l'affirmation que l'Amérique ne sera jamais en guerre contre l'islam, le président ajoute, concernant l'Afghanistan, que l'islam constitue une partie de la marche vers la paix s'il permet de combattre l'extrémisme violent. Pour ce qui est de la situation au Proche-Orient, la seule résolution qui vaille consiste à créer deux États « où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurit頻. Si la responsabilité des grandes puissances est très forte, celle des petites nations ne doit pas être omise. C'est tout le sens du discours d'Accra. Et le président d'assurer que « l'Amérique ne cherchera pas à imposer un système quelconque de gouvernement à aucune nation ». Car l'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions pour chacun de ses États. À Accra, le président appelle les dirigeants africains à « dépasser l'excuse du colonialisme », sorte de relief en creux du discours de Dakar du président Sarkozy.Ainsi, le respect de la souveraineté des États constitue la base de la philosophie politique du président des États-Unis.On retrouve ce principe aussi bien dans l'évolution du concept de leadership vis-à-vis de l'Europe que dans le parallèle avec la philosophie politique gaullienne et dans le concept de retour à la paix proposé, voire imposé, par les Nations unies. Le respect de la souveraineté des États influence en effet l'évolution du concept de leadership vis-à-vis de l'Europe, lequel n'est plus seulement militaire, mais aussi économique, diplomatique et moral. Il se rapproche du « partnership » proposé par le président Kennedy aux Européens en 1962, mais il s'en éloigne en raison de l'intégration européenne, pourtant loin d'être achevée. Lors de la négociation qui a désigné Anders Fogh Rasmussen à la tête de l'Otan, Barack Obama a constaté combien les Européens étaient divisés. Mais il fait sentir à chaque État européen que son leadership n'est plus celui de l'époque de « l'Amérique impériale » d'un Nixon ou d'un Reagan : « La souveraineté des États est un principe intangible. » Surgit alors le parallèle avec le général de Gaulle, qui considérait les États comme la forme achevée de l'évolution des nations et excluait toute forme de supranationalité. Tel n'est pas pourtant le point de vue du président Obama, qui confère aux Nations unies un rôle privilégié reposant à la fois sur le vote de chaque État dans le cadre de l'Assemblée générale et sur les résolutions du Conseil de sécurité, qu'il propose de réformer ? en accordant au moins un siège permanent à l'Asie et à l'Afrique, afin de respecter la spécificité de chaque continent. La philosophie politique de Barack Obama ne transforme donc pas fondamentalement les objectifs de la politique extérieure des États-Unis. Persistent même des points communs, comme l'écrasement des fidéicommis d'Al-Qaida, le retrait progressif de l'Irak et la volonté de dissuader l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire. Il reste que les méthodes du nouveau président américain sont profondément différentes car, au-delà du respect de la souveraineté des États, il fait souvent montre d'une volonté certaine de prendre en compte le point de vue de ses interlocuteurs et de dialoguer, ainsi que d'une grande capacité d'écoute, ce qui lui vaut un capital de sympathie considérable à l'échelle mondiale. Le prix Nobel de la paix décerné à Barack Obama constitue pour lui un encouragement à résoudre la délicate question du désarmement nucléaire et à travailler à l'établissement de la paix au Proche et au Moyen-Orient.
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