Bâle III, certains sont plus égaux que d'autres

Un jeu, c\'est intéressant lorsque chacun des participants en respecte les règles. Pareil pour Bâle III, cette réglementation relative au renforcement des fonds propres et de la liquidité des banques, censée entrer en vigueur à partir de 2013. Né sur les cendres de la crise financière de 2008, ce projet de réglementation, destiné à éviter que ne se reproduise une faillite à la Lehman Brothers, devait concerner l\'ensemble des banques mondiales. Sauf que, le 9 novembre, les Etats-Unis, par qui la crise de 2008 est arrivée, ont décrété qu\'ils reportaient sine die l\'entrée en vigueur de Bâle III, en raison de la complexité de sa mise en œuvre.Des banques européennes déjà au rendez-vousUne douche froide pour les banques européennes, qui, crise de la zone euro oblige, avaient été pressées par leurs régulateurs d\'accélérer la mise en application de Bâle III. De fait, avec un ratio de fonds propres durs (capital et bénéfices mis en réserve, rapportés aux crédits consentis) de 9,5% à la fin septembre, BNP Paribas est même en avance sur le rendez-vous fixé par Bâle III, qui exige un ratio de 9% au moins. Idem pour le Crédit agricole, dont le ratio de fonds propres durs s\'élevait à 9,3% à l\'issue du troisième trimestre. Et Société générale promet un ratio de 9% à 9,5% dès la fin 2013.Une concurrence internationaleLe problème, c\'est que cela coûte cher aux banques françaises, et plus largement aux établissements bancaires européens, de mettre davantage de fonds propres en face de leurs engagements les plus risqués, ou en tout cas considérés comme tels par les régulateurs. Un coût qu\'elles devront répercuter sur leurs clients, afin de préserver leurs marges. Or les banques travaillant sur des marchés mondialisés, leur concurrence est internationale. Aussi, «face à des banques qui ne fonctionneront pas comme nous, pourrons-nous encore faire notre travail de manière compétitive, c\'est-à-dire continuer à apporter à nos clients le même service, au même prix ? », s\'est interrogé Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, jeudi, lors des entretiens de l\'Autorité des marchés financiers (AMF) consacrés au financement de l\'économie.La question de la compétitivitéUne question qui n\'en était pas vraiment une, puisque le patron de la Société Générale a son idée sur la réponse : « Dans le cadre d\'un contrat de swap [échange d\'un actif entre deux contreparties, qui s\'exposent ainsi à un risque mutuel ; Ndlr] entre une entreprise et une banque, s\'il revient moins cher à l\'entreprise de se protéger du risque de JPMorgan (la première banque américaine) que du risque de Société générale, de BNP Paribas ou de Deutsche Bank, pensez-vous vraiment qu\'elle choisira de travailler avec l\'une de ces trois banques européennes plutôt qu\'avec JPMorgan ? », a sifflé Frédéric Oudéa. Et de conclure : « Je suis extraordinairement soucieux de savoir que les Etats-Unis n\'appliqueront pas Bâle III. »Des distorsions de concurrencePlus nuancé, son confrère Laurent Mignon, directeur général de Natixis, a admis, dans un entretien à l\'AFP, que « si certaines banques ont besoin d\'un peu plus de temps pour appliquer Bâle III, pourquoi pas », tout en reconnaissant qu\'il « ne faut pas que ce soit long, sinon on va provoquer des distorsions de concurrence. » Ce n\'est pas Baudouin Prot qui dira le contraire. « Michel Barnier [le commissaire européen aux services financiers ; Ndlr] avait dit qu\'il n\'appliquerait pas Bâle III tant que les Américains ne mettraient pas cette réglementation en œuvre. Je voudrais savoir ce que va faire Monsieur Barnier, maintenant », a persiflé le président de BNP Paribas, présent, lui aussi, aux entretiens de l\'AMF, jeudi dernier.Des activités récupérées par les banques américainesDe plus, pour satisfaire aux exigences de Bâle III, les banques de la zone euro ont dû réduire la voilure dans des métiers très gourmands en capitaux. C\'est le cas du financement maritime (construction de bateaux, etc.). Fin juin, Commerzbank, qui était pourtant numéro deux en Allemagne sur ce créneau, avait ainsi annoncé mettre fin à cette activité. Quelques jours plus tôt, la Société Générale avait cédé une grande partie de son portefeuille de crédits au transport maritime à... la banque américaine Citigroup.Les banques européennes perdent des parts de marchéDe la même façon, dans les prêts syndiqués également, les banques américaines ont commencé à gagner des parts de marché, au détriment de leurs rivales européennes. Bâle III oblige, ces dernières réduisent leur activité de crédit aux entreprises. Résultat, sur le marché mondial des prêts syndiqués, c\'est-à-dire consentis à une société par plusieurs banques, BNP Paribas a perdu six places dans le classement élaboré par Thomson Reuters, pour finir le premier semestre 2012 au 10ème rang.La banque sino-britannique HSBC, autre habituée des premières places sur le marché des prêts syndiqués, a elle aussi dévissé de six échelons, tombant à la 14e place. A l\'inverse, l\'américaine Wells Fargo a grimpé de six places, pour se propulser en quatrième position, sa compatriote Morgan Stanley est passée du 15è au 13e rang, et la banque canadienne RBC Capital Markets s\'est envolée de 18 places, ce qui lui permet de figurer dans le « top dix. » Autant de cas flagrants de distorsion de concurrence.
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