Patrick Lenancker : "Les Scop ont un niveau de fonds propres cinq fois plus élevé que les entreprises classiques".

Vous venez de soumettre aux adhérents du mouvement un texte d'orientation qui établit la stratégie des Scop pour les quatre ans à venir. Quelles en sont les principales dispositions ?Tout d'abord, je tiens à rappeler que ce congrès, qui a lieu tous les quatre ans, consacre une belle participation en réunissant 400 Scop et quelque 1 200 délégués régionaux. Si la nouvelle orientation a été approuvée à 95% (1 180 suffrages exprimés), c'est parce qu'elle repose sur une démocratie participative engagée depuis plusieurs mois au cours desquels nous avons discuté et amendé nos propositions. Au cours des quatre années à venir, il nous faudra lever les blocages pour faciliter l'accès aux crédits, garantir le capital apporté par les salariés-risqueurs, faciliter les conditions d'attribution de l'aide à la reprise d'entreprise (ARCE) pour que les salariés menacés de licenciement bénéficient de cette aide sans devoir attendre la liquidation de l'entreprise, créer un fonds d'investissement spécialisé dans la reprise d'entreprises, faire adopter un nouveau statut de coopératives et un droit de préférence accordé aux salariés en cas de cession d'une entreprise.Quel est votre bilan sur la période 2008-2012 ?Nous avons gagné en notoriété, grâce à une communication passée d'un mode institutionnel à celui d'une marque, en investissant dans du conseil, des campagnes d'images afin de décomplexer notre forme d'organisation. Pour changer de braquet, nous avons formé nos élus pour qu'ils portent l'argumentaire des coopératives auprès des décideurs politiques et économiques et pratiqué un lobbying offensif. Ce n'est pas un hasard si Benoît Hamon, le ministre de l'Economie sociale et solidaire, a choisi la tribune de notre congrès pour faire des annonces en faveur de l'ESS. Nous sommes force de propositions, y compris dans le cadre la future loi sur l'économie sociale et solidaire. Votre modèle économique rend difficile l'accès à certains mécanismes de financement, du type Oseo et FSI. Qu'attendez-vous de la future Banque publique d'investissement (BPI) ?Nous attendons très concrètement que l'État, qu'il soit de droite ou de gauche, arrête de se tirer une balle dans le pied. C'est aberrant : nous avons des difficultés d'accès aux financements tout simplement parce que notre mode d'organisation économique ne permet pas la spéculation. L'intervention dans les Scop ne doit pas être une exception, mais une priorité. Je rappelle que nos entreprises réaffectent 45% de leurs bénéfices en fonds propres et redistribuent 45% aux salariés. Nos entreprises présentent donc un niveau de fonds propres cinq fois plus élevé que les entreprises classiques à taille et secteur d'activité similaires. Sur les 30 milliards de capacité d'investissement de la BPI, 500 millions seraient dédiés à l'économie sociale. C'est un chiffre qui vous satisfait ? L'économie sociale et solidaire représente 10% du PIB. Le compte n'est donc pas bon. D'autant que ses adhérentes sont exemplaires et résilientes. Les Scop ont créé beaucoup d'emplois nets en quatre ans dans un contexte économique difficile. Détenteurs de près de 90% du capital social, les salariés ont vu leur rémunération se maintenir ces quatre dernières années, et ce malgré des excédents nets de gestion en léger repli (40,7% en 2011 contre 43,6 % en 2007, ndlr), grâce à un rééquilibrage du partage des richesses : la participation des salariés est passée de 44,2 à 45,5% et la part des dividendes attribués aux associés de 12,2 à 13,8%. Le nombre de Scop industrielles (18% du total, ndlr) s'est maintenu. Le chiffre d'affaires des Scop de services (42% de l'ensemble et premier employeur avec un tiers des salariés, ndlr) est en progression de 17%. Comment améliorer les transmissions d'entreprises aux salariés ou la reprise d'entreprises en difficulté par leurs salariés? Les tours de table exigent une mobilisation de fonds qui se comptent désormais en centaines de milliers d'euros, voire de million d'euros. Difficile pour les salariés de réunir de telles sommes. C'est pourquoi, nous proposons qu'un nouveau statut - une sorte de coopérative de transition - soit créé pour permettre à des salariés, qui seraient minoritaires au départ, de consacrer la totalité des bénéficies réalisés pendant les 5 à 10 premières années au rachat de l'entreprise jusqu'à ce qu'ils deviennent propriétaires. Le droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise aurait été utile pour SET, le fabricant de machines outils pour l'électronique repris par le groupe américano-singapourien K&S au détriment du projet de Scop défendu par les salariés ?Je ne veux pas entrer dans quelques batailles emblématiques et complètement stériles qui consisteraient à préempter pour ensuite se demander qu'en faire. Nous parlons bien d'entreprises saines qui disparaissent faute de repreneurs. Nous proposons qu'un droit préférentiel pour les salariés s'applique pour que, s'ils font une offre tout à fait conforme, ils deviennent prioritaires. Si ce droit avait existé, j'aurais le plaisir de compter une Scop de plus avec SET.Avec les cas de l'ex Seafrance et de Fralib, les coopératives ont été appréhendées sous l'angle d'une économie de la réparation... Les Scop font partie de l'économie réelle et fonctionnent bien. Comme Acome, Taxicop, Websourd, Chèque déjeuner, Sopelec, Alternatives économiques, Fagor, etc., pour ne citer qu'elles. Il faut oublier cette idée selon laquelle il y aurait une belle économie qui se développe, du reste en détruisant des emplois mais que l'on soutient, et une autre économie qui ne sert pas à grand chose si ce n'est en temps de crise, ici et là, et/ou de façon exceptionnelle. 
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