Lex Google : quand les ayants droit mettent des bâtons dans les roues des éditeurs

trong>Google et la presse, nouvel épisode. Vendredi soir, le gouvernement a officialisé le nom de l’heureux élu qui aura le bonheur de conduire les négociations entre les grands éditeurs et Google. Marc Schwartz, associé au sein du cabinet Mazars, sera chargé de superviser d’ici fin décembre « la conclusion d’un accord sur un partage équitable de la ressource générée par l’utilisation des contenus éditoriaux des sites de presse par les moteurs de recherche », indique un communiqué des ministères de la culture et du numérique. Sans quoi, un projet de loi sera soumis au parlement « en vue de créer un mécanisme de rémunération équitable au bénéfice des éditeurs de presse », comme l’avait promis François Hollande à l’issue de sa rencontre avec le président exécutif de Google Eric Schmidt.Des négociations mortes dans l’œuf ? Les « négociations » ne sont-elles pas mortes dans l’œuf ? En passant à Paris, Eric Schmidt s’était bien gardé de livrer le fond de sa pensée à François Hollande. Il avait préféré rentrer aux Etats-Unis pour dévoiler la position officielle de Google au New York Times, en affirmant que le moteur ne « paierait pas pour des contenus qu’il n’héberge pas ». De fait, rémunérer les contenus que le moteur indexe frappe au cœur le modèle économique de Google. Le moteur préfèrerait donc s\'en passer. En outre, en créant un précédent, il risquerait de voir se présenter au guichet la totalité des sites qu’il référence.Les producteurs de disque réclament leur partQu’est-ce qui justifierait de rémunérer Le Monde ou Le Figaro, plutôt qu’Europe 1 ou toute autre sorte de contenu ? Avant même le début de la moindre discussion entre les éditeurs et Google, certains font déjà la queue. A l’image du Syndicat des producteurs de musique (SNEP). « Google indexe aussi de la musique, qui contribue à la pertinence du moteur. Si les éditeurs obtiennent gain de cause, pourquoi pas nous ? », s’interroge sur un ton faussement innocent son directeur général David El Sayegh.Le projet des éditeurs soulève des critiques Si le directeur général du SNEP n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat, c’est que le projet de loi adressé par les éditeurs de presse au gouvernement, ne le satisfait pas. Comme d\'autres ayants droit d’ailleurs. De fait, la proposition des éditeurs au gouvernement viendrait bouleverser le fragile équilibre du droit d’auteur, et remettre en cause certains mécanismes économiques.Explication : en l’état, les éditeurs souhaitent créer un « droit voisin », qui leur permettrait d’accorder ou de refuser le référencement de leurs papiers dans les moteurs de recherche. Or, le « droit voisin » a été créé en 1985 pour dédommager les « voisins » des auteurs, comme les artistes-interprètes, les producteurs, ou les comédiens, qui n’étaient jusque là pas rémunérés lorsque les œuvres auxquelles ils participaient étaient diffusées ou rediffusées. Par essence, le droit voisin vient en sus d’un droit d’auteur identifié. Or – et c’est toute la singularité du projet de loi des éditeurs - aucun droit d’auteur ne serait créé au titre de l’indexation des articles dans le moteur de recherche. Cette bizarrerie juridique n’a évidemment pas échappé aux principaux intéressés, les auteurs potentiels, en l’occurrence le Syndicat national des journaliste (SNJ), ou la Société civile des auteurs multimédias (SCAM).Pas de \"droit voisin\", sans droit d\'auteur« Il ne peut y avoir de droit voisin, sans droit d’auteur. Le droit de rémunération repose sur un partage de cette valeur», a confirmé à la Tribune Hervé Rony le directeur général de la Scam. Même position adoptée par le SNJ, qui souhaite être dans la négociation. « Cette qualité d’auteur – et les droits qui vont avec – ne saurait leur [aux journalistes] être contestée », indique un communiqué. Un avis que partage David El Sayegh qui a évoqué le problème notamment devant Nathalie Collin, présidente du Nouvel Observateur et porte-parole des grands éditeurs réunis au sein de l’IPG (presse d’information d’intérêt politique et général), lors d’une réunion il y a une dizaine de jours au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA). « L’IPG m’a dit qu’il ne pouvait utiliser juridiquement le droit d’auteur. Mais la question pourrait se poser », confirme le représentant du SNEP.Le gâteau de la copie privée en toile de fondSi David El Sayegh défend les auteurs, c’est qu’en tant que représentant des producteurs il n’a pas intérêt à voir de nouveaux détenteurs de « droit voisin » émerger. Conséquence directe : il devrait partager avec ces nouveaux venus le gâteau de la « copie privée », la taxe sur les supports enregistrables (disque dur, DVD, iPad), qui a rapporté 192 millions d’euros en 2011. Or, la copie privée constitue une importante source de financement pour les détenteurs de « droits voisins ». D’ailleurs, en privé, d’autres bénéficiaires de cette manne critiquent le projet des éditeurs de presse.Un contexte explosifC’est dans ce contexte explosif – qui pourrait au final bénéficier à Google - que les éditeurs vont tenter de négocier. Reste à savoir, si aucun accord n’était trouvé, comment François Hollande, qui a fait une promesse aux éditeurs, pourrait sortir par le haut de cet épineux dossier.  
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